BD - Le Pacte de la Mer de Satoshi Kon (1990)
Aussi connu sous le nom de Kaikisen ou Retour vers la mer, c’est un des mangas majeurs des années 90. Mais on a tendance à trop l’oublier, comme son auteur, le regretté Satoshi Kon.
J’ai découvert l’existence de ce monsieur lorsque j’ai visionné et lu “Perfect Blue”, un film d’animation fabuleux dont je parlerai plus tard…Et puis, j’ai découvert l’existence de ce Pacte de la mer un peu plus tard, jusqu’à l’oublier. J’en ai repris la lecture et rien n’avait changé dans les sentiments éprouvés.
Nous sommes dans la ville d’Amidé, un petit port japonais. Chaque semaine, le jeune Yosuke va chercher de l’eau de mer pour prendre soin de la relique du temple Shinto de la ville : Un oeuf de sirène. Mais son père, prêtre Shintoiste, ne l’entend pas de la même manière. Il préfère penser au développement de la petite ville dont il veut faire un centre touristique. Il participe à la vente et l’expropriation des terres des habitants pour le profit d’un richissime promoteur immobilier. Le Grand-père de Yosuke ne l’entend pas comme ça et compte bien transmettre l’oeuf comme la légende le veut, tous les 60 ans aux sirènes. Yosuke trouve un support avec son mai Testu et dans le retour de Natsumi pour lutter contre ce projet destructeur de l’environnement.
Avec un thème comme ça, vous pensez aussi au récent Lou et l’île aux sirènes. Ce très beau film d’animation de Masaaki Yuasa, emprunte beaucoup au scénario de ce gros volume (200 pages). Mais si Satoshi Kon, élève d’Oshii et d’Otomo, a réalisé des films, il n’a jamais pu passer son petit chef d’oeuvre à l’écran. Chef d’oeuvre car il y a tout : Une bonne galerie de personnages, un lieu magnifique avec des décors détaillés et captivants. Il y a une bonne histoire qui vient puiser dans le Shintoïsme, cette religion si particulière aux japonais et pleine de paradoxes. Il n’y a pas de temps morts et pourtant on se surprend à regarder des pages pendant de longs moments, comme si on allait entendre la mer ou le cri des sirènes. Il y a du suspens et de l’action avec des rebondissements.
Cet ouvrage pose la question du développement humain face à la nature. Il pose la question de cette nécessité de croissance alors que la terre ne peut plus la contenir. C’est d’autant plus essentiel pour les japonais qui sont cantonnés à leurs îles. Et si aujourd’hui la population japonaise diminue, on parle toujours de croissance et de grignoter peu à peu cette nature sacrée, refuge des dieux et divinités. Une œuvre poétique et politique à la fois.