Blog - Dualité et manichéisme
Lorsque j’ai commencé ce billet de blog, beaucoup d’idées se bousculaient dans ma tête. Je suis dans une mauvaise phase, côté Debian, entre une 9 rétive avec mon matériel et une 8 qu’il faut rustiner pour faire fonctionner les dernières versions de ce qu’on veut. La santé ne suit pas non plus comme je le voudrais et le boulot s’accumule. Il y a des hauts, des bas, du bon, du mauvais, d’où mon titre…
Dans la vie, tout n’est pas si tranché. Il n’y a pas le mal ou le bien de chaque côté et aucun autre choix au centre. Si le choix entre les smartphones se résume aujourd’hui à iOS contre Android, on ne peut pas dire qu’il y ait un bon choix face à un mauvais choix. Et je ne dirais pas que ce ne sont que des mauvais choix, si je considère ce que l’on peut en faire avec un peu de savoir. Je n’ai toujours pas terminé le tutoriel sur ce sujet car le choix des mots est important mais il y a moyen de rendre tout cela meilleur, à défaut d’être parfait. C’est un peu comme l’utilisation des services de ceux qu’on appelle GAFAM (rappel : Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft). Comme le rappelle Cyrille, il peut y avoir du positif dans l’utilisation de chacun de ces services, à condition de ne pas aller trop loin, de comprendre les tenants et les aboutissants de chacun de ces services, voir de faire des choix éthiques. Je continue à avoir des nouvelles de mon association préférée via une page Facebook, ce qui fait une petite économie pour elle et fédère un peu plus facilement des personnes de divers horizons qui sont encore sur ce réseau. Une page simple avec un flux RSS pourrait le faire, c’est sûr mais reste l’interface d’écriture des billets, les droits, la formation des admins. Mais de toute façon, l’utilisation d’un réseau social reste de moins en moins efficace au fur et à mesure du morcellement et du déplacement des utilisateurs du Web, d’un réseau à un autre. J’en veux pour preuve la fréquentation des “évènements” par rapport à ce qu’on devrait avoir en théorie avec les réponses.
Si “Quand c’est gratuit ce n’est pas toujours toi le produit”, ça ne veut pas dire que c’est toujours mieux quand c’est gratuit ou que c’est toujours pourri. Je me souviens d’études sur le comportement d’acheteurs face à des prix trop bas pour un produit. Il y a parfois méfiance et donc le client préfère payer. J’ai eu ce genre de réponse face à des utilisateurs de suites Office piratées quand je leur proposais LibreOffice. Ils préfèrent le truc dont ils ont l’habitude, même si l’interface change dans la nouvelle version, qu’un produit légal et libre qu’il faut accompagner d’une démonstration pour convaincre. Pour proposer un GNU Linux à quelqu’un c’est pareil et en plus je n’ai jamais une seule réponse à fournir. J’hésite toujours pour le PC de madame (pas eu trop le temps, ces jours-ci…) et même pour le mien, je serais presque à revenir sur du hardcore en XFCE si Mate me fait des misères. Pour l’instant, je reste avec une debian ultra-minimaliste (bref, presque out-of-the-box comme on dit). Je conserve toujours cette partition Windows car de toute façon, faire fonctionner les outils de root et flash android est trop risqué sur un autre système via émulation ou autre. Dans notre société, la force du nombre fait loi. Et puis, gratuit ou pas, dire aujourd’hui qu’un système est fiable, infaillible, est impossible. Debian a aussi des problèmes “d’usure”, ou d’hétérogénéité après l’installation comme j’ai rencontré sur Windows, Ubuntu, Fedora, Mint, RedHat, OSX… Pour citer les quelques systèmes sur lesquels j’ai tourné. Le réflexe de l’image disque a quand même du bon pour réinstaller. En ce moment, j’essaie de comprendre ce qui peut corrompre ce foutu système de fichier après des veilles de manière aléatoire… Évidemment, je n’ai pas eu de problème cette semaine.
Gratuit… mais tu n’es pas le produit
Notre vision du monde reste trop souvent manichéiste. Et puisque ce mot est d’origine perse, je pourrais commencer par opposer le méchant régime iranien aux gentils états-uniens… Ou bien l’inverse, comme s’il s’agissait de deux blocs homogènes avec des populations serviles derrière leurs dirigeants. Beaucoup définissent les réfugiés comme un mal potentiel à rejeter, et leurs protecteurs rappellent tous les apports culturels des migrations dans l’histoire. On en vient à simplifier le débat à l’extrême sans même essayer de le solutionner au cas par cas. Et pour les guerres, on nous a souvent inculqué la vision du bien contre le mal, le bien étant souvent le camp du gagnant. J’en reviens souvent au Vietnam car le conflit a montré que le même camp passe d’un côté ou de l’autre. Le Viet Minh a été d’abord le mal pour les français colonialistes avant d’être le bien quand ce fut un peuple épris de liberté. Après les exactions des régimes du sud et des GIs, ce fut encore plus le bien, pour les Français, tandis que les Etats-uniens s’interrogeaient, le communisme représentant le mal. Les purges et violences du régime du nord contre les paysans furent montrées ensuite. Et puis lorsque le Vietnam a envahi le Cambodge, ce fut à nouveau le mal… A moins de prendre en compte que l’ennemi était le Khmer rouge qui était aussi le mal. On en découvrira l’étendue par la suite. Et comme je lis une énième biographie consacrée à ce conflit, je vois bien l’absurdité d’une telle vision.
La photo d’Eddie Adams (qui en a regretté l’utilisation), ci-dessus, en est l’illustration. Elle est prise pendant l’offensive du Têt. Un général sud-vietnamien abat un combattant Viet Minh. Il parait être un civil désarmé et on connaît les horreurs qu’a aussi pratiqué le régime du sud. Mais on sait moins que ce même combattant avait participé au massacre d’une famille, quelques minutes/heures avant (le photographe le savait). L’un comme l’autre représentent le mal et le bien à un moment. Mais c’est surtout une photo qui représente l’horreur de la guerre, celle qui force à choisir un camp… ou fuir. Aujourd’hui, on pense qu’il y a des gentils kurdes face aux méchants turcs, de gentils palestiniens face aux méchants israéliens… Ou l’inverse. De la même manière, nous voyons les rebelles syriens comme une entité se battant pour le bien face à une dictature, sans s’imaginer la réalité plus disparate, même dans le régime syrien. Nous choisissons un camp en étant loin des conflits et en refusant de voir et d’écouter ceux qui en viennent, traumatisés à vie par ce qu’ils ont vu. L’inconnu laisse la place au fantasme et au cliché.
Bientôt mon tour ?
Et puis on se dit chacun, un jour, que l’autre n’est plus celui ou celle que l’on a connu, dans son propre couple. On se le dit, sans se poser soi-même la question de ce que l’on est devenu, ce qui aboutit souvent à des séparations. Le juge de paix, c’est lorsque l’un des deux a un gros problème, une grosse décision, besoin du soutien de son conjoint. Il y a aujourd’hui des tonnes d’écrits, de théories, de conseillers qui décrivent le couple, ce qu’on doit faire et ne pas faire, comme si c’était facile. On nous prévient que ce sera “pour le meilleur et pour le pire” mais peut-on imaginer le pire ? La maladie amène tant de frustrations, de colères, de souffrance qu’on peut finir par l’oublier et en vouloir à sa victime. Et puis un jour, ça s’inverse, nous sommes touchés à notre tour. Beaucoup réalisent un peu tard ce que c’est d’être seul dans ce moment, se remémorent leurs mots, leur faiblesse d’un moment, leur fuite. Et en même temps, il fallait comprendre ce besoin d’échappatoire. Voir souffrir celui qu’on aime est aussi une souffrance qui nous amène à des erreurs, surtout si chacun garde tout pour soi. On ne voit que le mal sans regarder tout le bien avant, surtout quand on reste seul avec sa peine. C’est d’autant plus vrai, je pense, quand on n’est encore un jeune adulte, naïf, un peu immature, sans recul nécessaire sur la vie. Mais c’est aussi vrai, plus tard, quand on a l’impression de n’avoir pas vécu la vie comme on le voulait. J’ai l’impression qu’en abordant 44-45 ans, on arrive dans une période charnière, celle où le corps commence à déconner, où l’on se retourne sur son passé et on commence à voir la fin. C’est d’autant plus paradoxal que l’on voit moins le réel avec ses yeux, entre myopie et presbytie, ha ha !
Et dire qu’après on demande encore de juger tout par des pouces, des étoiles, des cœurs, comme si c’était un choix entre le bien ou le vide/le mal. Quand Cascador s’interroge sur les espaces d’échanges aujourd’hui, je ne pense pas qu’il oublie, lui, que le premier espace d’échange, c’est celui que l’on a tout près de soi avec des mots plutôt que des signes.