Blog - Il était une fois... Une histoire féline
Je m’étais promis de raconter l’histoire compliquée de cette chatte que nous avons recueillie depuis 4 ans. Ce n’est pas par vantardise car je connais des personnes qui sauvent des centaines de chat par an… Mais parce que son histoire peut servir aussi à éviter des erreurs, à aller trop vite en besogne… et à savoir ce qui peut arriver en adoptant ( ou achetant beurk….) un animal.
Tout a commencé le jour où j’ai du aller chercher un colis dans un centre Chronopost à une vingtaine de kilomètres de chez moi. C’était l’été, il y avait peu de monde, et juste après avoir réceptionné le colis, madame me fait signe de venir voir. Dans cet enchevêtrement d’entrepôts tous quasi déserts l’été, il y avait un chaton, environ 2 mois à vu de nez, sans le moindre collier. Deux solutions : Un abandon ou une fuite. L’environnement est dangereux et on décide de tenter la capture. Nous n’avons rien qu’une corde, un carton et des … chips. Le chaton a faim et s’approche de ce que nous avons laissé mais impossible de l’approcher à moins de 2 mètres. La capture est impossible. Il a quand même mangé un peu et ne semble pas encore trop mal en point. Nous décidons de revenir tous les deux trois jours pour l’habituer à trouver sa nourriture dans un coin discret. Je prends avec moi des papiers de l’association dans laquelle nous sommes actifs au cas où, car cela reste officiellement une propriété privée (le parking aussi). Je pose des petites boites de pâté tous les trois jours et je vois qu’il vient manger…ou d’autres animaux mais impossible de la voir. Je doute…
Au bout d’une semaine, je reviens avec une trappe pour gibier comme on en utilise dans les associations de protection animale. C’est juste la taille qu’il faut et je mets du thon, car ça sent plus fort. Je reste tranquillement dans la voiture à 20 m de là et j’observe. Le voilà qui sort des fourrés et se dirige vers la trappe. Il tourne autour mais essaye d’entrer au plus court, sans trouver l’ouverture. Il faut attendre… attendre de longues minutes stressantes. Et soudain, il entre et déclenche la fermeture derrière lui…ou elle car c’est bien une fille. Je couvre le tout d’une veste pour la transporter. Elle n’est pas blessée, pas trop affolée… Rentrés chez nous, nous la mettons dans une pièce servant de quarantaine. Nous ne savons pas si elle est porteuse de maladie donc on verra un vétérinaire le plus vite possible. Le lendemain, direction le vétérinaire le plus proche. Argh, c’est le remplaçant qui a tout d’un retraité. Il regarde à peine comment elle va. Un peu maigre, environ 2 mois, croisée angora (de longs poils noirs qui s’emmêlent). On lui donne de la nourriture pour chatons et ça ira. Elle reste assez malléable, surtout par rapport aux petits sauvages que nous avons en accueil. N’étant pas satisfaits du diagnostic, nous décidons par sécurité de prendre rendez-vous avec notre véto spécialiste chat habituel. Elle mange, fait ses besoins normalement dans sa litière mais nous ne pouvons pas être là tout le temps avec elle dans la pièce. On remarque bien ses yeux écarquillés mais on met ça sur le compte de l’inquiétude, le stress, la curiosité du chaton. Et puis elle dort peu, nerveuse d’être ainsi enfermée. Oui, c’est notre premier chaton car nous n’avons adoptés que des adultes à problèmes.
Chez notre vétérinaire habituel, On voit qu’elle a déjà bien grossi depuis la première pesée (995g) mais tout de suite, les pupilles dilatées inquiètent notre vétérinaire. Elle nous conseille d’aller voir un spécialiste, un ophtalmologue pour animaux repérant des dommages sur le cristallins. Effectivement, il confirme un grave problème de vue d’origine inconnue. Elle a une forte tension de l’oeil, un risque de glaucome qu’il faut soigner avec des gouttes. Heureusement, elle se laisse assez bien faire et il n’y a plus qu’à espérer que cela fasse effet. Reste qu’elle voit très mal et ne reverra jamais normalement. Décollement de la rétine, trous dans le cristallin, elle est handicapée mais se débrouille très bien. Elle ne peut juste pas sauter comme d’autres chats, pas voir à plus de 20cm…Impossible d’imaginer la laisser sortir et pour une adoption ultérieure, ça devient compliqué. Par contre si elle est un peu malléable pour les soins, il ne faut pas que ça dure trop et elle n’aime pas les caresses. C’est classique chez les chats sevrés trop tôt. On soupçonne un abandon sur une portée et qu’elle ait été violentée.
Au bout de quelques jours, nous l’entendons éternuer puis être complètement bloquée, prostrée et avec une fièvre visible. Pas de possibilité chez notre véto habituel et c’est loin. Nous allons chez un autre vétérinaire que l’on nous a conseillé, connu pour ses méthodes alternatives. La petite chatte est très faible, respire de plus en plus mal. C’est une crise grave de Coryza. Malgré sa faiblesse, elle met une énergie du désespoir à ne pas se laisser manipuler, à cracher, se débattre quand l’assistance la saisit et qu’on lui fait une (chère) piqûre. Ca doit lui booster les anticorps et une nuit de sommeil devrait la requinquer. Nous dormons près d’elle et effectivement, elle va déjà mieux le lendemain. La frayeur est passée.
Mais un soir, c’est le drame. Elle a du certainement se prendre la queue quelque part avec ses poils, a paniqué et s’est blessée. Il y a du sang partout dans la pièce et elle gémit. Je parviens à l’attraper et faire un semblant de pansement sur la plaie. Je n’ai aucune collerette pour l’empêcher de se mordre la plaie. C’est retour chez le vétérinaire en urgence. On tente les soins avec des points de suture mais ça reste difficile l’empêcher de se gratter malgré la collerette. Ce qui devait arriver arriva. Le dimanche, le soir, elle arrache le pansement et se remet à saigner abondamment. Elle avait quitté la quarantaine depuis quelques jours déjà puisque les analyses étaient bonnes mais elle se retrouve à l’isolement. Deux solutions : Urgence vétérinaire à Maison-Alfort ou à domicile SOS Véto. On prend la deuxième solution qui n’est pas la moins chère mais elle est difficilement transportable en l’état. Tranquillisée, suturée, elle passe une nuit et on l’amène le lundi matin à la clinique. Pas d’autre solution que **la caudectomie **: Ablation de la queue. C’est moins joli c’est sûr mais on risque l’infection sinon. Alors la moitié de la queue disparaît et elle a encore un beau pansement et sa collerette. Malheureusement, deux jours plus tard, on la retrouve à nouveau avec le pansement arraché et la plaie qui saigne. Retour chez le vétérinaire et un vendredi soir…Elle reste en observation un jour après une nouvelle caudectomie pour raccourcir encore la queue et nous la récupérons le dimanche matin.
Mais la vétérinaire n’est pas très confiante sur l’avenir de cette chatte, très nerveuse, peu manipulable (de moins en moins…), stressée. En effet, elle dort peu, est inquiète depuis le début. Elle pense qu’elle va devenir très agressive au fur et à mesure et pour éviter qu’elle ne s’arrache encore les pansements, nous prescrit du … Prozac, à petite dose. Nous n’allons pas suivre cette prescription qui ne fera que l’abrutir, sans soigner. Le président de notre association préférée nous conseille un vétérinaire dans son coin, Auxerre. Et nous voilà parti la semaine suivante pour 250 km aller, 250km retour pour consulter ce praticien. Bientôt à la retraite, il nous parle de l’inutilité du prozac et préfère essayer des fleurs de Bach, mais surtout une pratique proche de la magnétisation. Rationnellement, cela paraît farfelu et pourtant on nous a assuré qu’il fait des miracles. La première séance n’est pas facile, tant la petite chatte est nerveuse. Il nous dit ressentir un grave trouble, un choc probable qui aurait détérioré sa vue et l’aurait rendu comme folle. Juste par la concentration et l’imposition des mains, des mouvements, il nous dit essayer d’enlever ces tensions. Nous sommes sceptiques mais … elle a l’air plus calme au retour à la maison, dort déjà plus. En tout cas elle ne s’arrache rien.
Nous ferons encore de nombreux allers-retours chez ce vétérinaire et nous aurons une nette amélioration sans d’autres médicaments que ces fleurs de bach. Avec une autre chatte très sensible, et lourdement traumatisée par de la violence envers elle, nous essaierons cette même méthode mais sans succès. Il a l’humilité de dire que ça ne fonctionne pas toujours, que chaque cas permet d’apprendre un peu plus dans ce domaine. Mais au moins pouvons nous soigner correctement cette petite pour ses yeux qui nous inquiètent encore. Elle doit aussi être stérilisée, donc nouvelle opération, nouvelle collerette, maintenant que la queue est bien cicatrisée. Pour ses yeux, l’infection a disparu mais elle ne verra jamais correctement. Il faut encore surveiller tous les 6 mois la situation. Mais lorsque notre vétérinaire habituelle (qui croit toujours que le prozac a fait effet) l’opère, elle découvre une hernie ombilicale et qu’elle fait une grossesse nerveuse. Rien de grave mais ça inquiète toujours et ça fait encore un traitement de plus. Cela fait près de 6 mois de collerette pour cette petite qui s’est habitué à ce handicap, parvient à monter sur le sommet des arbres à chat (2m de haut !)à la force des pattes avant, des griffes et même à faire de petits sauts et plus étonnant encore à repérer et attraper des mouches. Les autres chats l’ont accepté comme cela, même si elle est parfois turbulente… comme un chaton. Nous pouvons enfin souffler et heureusement que le tarif association a diminué un peu la note. Malheureusement, pour l’adoption c’est trop compliqué et nous la gardons avec nous.
2 ans plus tard, nous découvrons** l’apparition de marques brunes sur l’iris d’un de ses yeux**. La situation de sa vue n’était plus inquiétante mais là, ça peut être une manifestation d’un début de cancer qui pourrait aboutir à l’ablation. Nous devons faire des photos chaque mois et les envoyer à notre ophtalmo. Au début, ça n’évolue pas et puis au bout de 3 mois, les marques grossissent et d’autres apparaissent. Par précaution, l’ophtalmologue nous préconise l’énucléation. Nous retournons voir notre vétérinaire et une autre de ses consoeurs chez qui nous avons l’autre moitié de nos chats (ne jamais mettre ses oeufs dans le même panier). Elles trouvent cela un peu rapide et nous conseillent un autre spécialiste, très connu dans ce domaine sur Paris. Lui nous conseille une opération (que le premier ophtalmo jugeait impossible…et méconnue de nos vétérinaires) qui va permettre de supprimer ces kystes et surtout de faire une biopsie. Cela permettra de faire une analyse pour savoir si cancer il y a. Le problème est que c’est une grosse anesthésie générale, que c’est très cher.
Nous l’avons tout de même fait et … L’analyse n’a montré aucun cancer. Les tâches sont dues à une mélanose, un classique chez le chat. Le traitement des kystes laisse tout de même une grosse marque sur l’iris mais… La première semaine après l’opération, nous avons vu que l’oeil se troublait au niveau de la pupille. Malgré le discours rassurant, à la limite de la vantardise, de ce chirurgien ophtalmologiste, nous avons insisté pour le revoir et qu’il l’examine. Si la situation post-opératoire semblait idyllique, il a avoué que nous avions bien fait de revenir. Il y avait effectivement une petite inflammation et un kyste au niveau de la petite incision pratiquée. Cela aurait pu dégénérer vers une infection et cela a permis de changer le traitement par quelque chose de plus fort, plus adapté. Nous avions aussi préféré mettre une collerette une semaine pour qu’elle n’ait pas la tentation de se gratter, là aussi contre l’avis du vétérinaire.
Moralité, il faut toujours avoir plusieurs avis, même quand on est dans l’état de choc. Aucun vétérinaire (et médecin d’ailleurs) n’est infaillible, surtout qu’il y a tant de mystères dans le fonctionnement du corps des animaux, avec toutes les espèces différentes. Si toutes ces interventions ont coûté une petite fortune (plus cher que tous les soins de nos chats réunis depuis que nous les avons…), nous ne pouvions laisser tomber un animal qui depuis sa naissance a déployé autant d’énergie pour survivre. Je me souviens de la question de notre vétérinaire : Voulions nous vraiment la sauver ? Elle pensait peut-être que c’était une cause perdue. Aujourd’hui, elle a 4 ans, elle vit plutôt normalement, nous ravit chaque jour par ses facéties, sa curiosité, son envie de s’amuser avec les autres malgré ses handicaps. C’est une leçon de vie chaque jour qui passe. Et même si je reste persuadée qu’il y aura d’autres épreuves avec elle (et les autres qui atteignent des ages avancés), même s’il y a parfois de petites morsures et griffures quand elle ne perçoit pas bien nos gestes, je ne regrette pas ce qui a été fait.