BD - La guerre de 14-18 par 2 auteurs
La grande guerre, cette boucherie qui causa 19 millions de morts, dont 1,7 millions en France et 2,5 millions en Allemagne, est un sujet qui a mis du temps à apparaître en BD. C’est en tombant sur l’intégrale d’Ambulance 13 de Ordas, Cothias et Mounier, que j’ai eu envie de ressortir le classique du genre : C’était la guerre des Tranchées de Tardi! Surtout que nous sommes 100 ans après…
Ambulance 13 est d’abord un roman de Cothias et Ordas relatant les aventures d’un jeune lieutenant, fraichement médecin et qui est envoyé sur le front. Comme toujours avec Patrick Cothias, on alterne le très bon et le très moyen avec des scènes un peu inutiles et des incohérences. Il n’est l’auteur que des 4 premiers volumes, cela dit. Mais avec le dessin d’Alain Mounier, on a quelque chose de moins austère (en apparence) que Tardi, plus moderne bien que très classique et qui permet de mieux percevoir la réalité de cette guerre. Malgré cela, je trouve qu’on reste encore sobre pour retranscrire l’ambiance des tranchées, la peur, l’horreur, les mutilations.
Tardi a pris un autre chemin, celui de conter des histoires, comme un roman graphique, mais avec son style bien à lui, ses traits plus arrondis, ses couleurs plus limitées. Son dessin fourmille de détail et l’auteur d’Adèle Blanc-sec est particulièrement à l’aise avec les architectures et objets du début du 20ème siècle. Ce n’est pas l’histoire de cette guerre qui y est racontée. On la vit… En lisant cet ouvrage, je me suis remémoré ce que je me disais lorsque je faisais mon service militaire, planqué sous la pluie, dans la boue et le froid, pour seulement quelques heures. Je pensais à mon arrière grand-père, disparu quelque part pour défendre un bout de terre ridicule en 1915 et dont on ne sait pas où se trouvent les restes. J’avais accompagné mon grand-père, vainement, dans cette recherche. Je me suis imaginé alors le petit bonhomme de 4 ans qui attendait son père avec sa mère et ses sœurs. Je me suis imaginé ce père qui tentait de survivre et subissait autant les bombardements de son propre camp que ceux de l’ennemi. Et j’ai vu à travers ces histoires la folie qui peut s’emparer de quelqu’un, les actes qu’on a dits héroïques mais qui étaient simplement une conséquence de cette folie.
Dans les deux ouvrages, on parle de l’absurdité des hommes, de la proximité qui pouvait se faire avec certains soldats des deux camps. On parle aussi du fait qu’aucun camp ne voulait admettre l’impasse de cette guerre. Je me suis souvenu aussi du A l’ouest rien de nouveau, de Erich Maria Remarque, ce chef d’œuvre de la littérature pacifiste qui est d’ailleurs cité dans l’abondante bibliographie de l’ouvrage de Tardi. Parfois les mots suffisent… Mais pour ceux qui ne s’en contenteraient pas pour comprendre ce qu’est la guerre, il faut aussi ces bandes dessinées.
Ambulance 13 me dérange pour quelques scènes où on donne l’impression que quelques aristocrates de la trempe de notre héros ont mieux compris que ses compagnons de l’Ambulance 13. Mais en même temps, les auteurs essayent de montrer ce qui se passe ailleurs, dans les villes, loin du front. Tardi se concentre sur l’essentiel qu’il décrit de multiples manières, même s’il parle de l’histoire de ces soldats, ces poilus, avant la guerre. Il ajoute même cette peinture de l’euphorie guerrière qui empêchait d’être pacifiste. Il y a une sorte de complémentarité et j’aurais pu citer les Sentiers de la gloire ou la Chambre des officiers pour le cinéma. A l’heure où l’on parle trop souvent de faire la guerre, où l’on revoit sortir des films assez éloignés de la réalité historique et qui glorifient un peu trop les choses, je trouve plus important que l’on parle de la réalité la plus crue, celle qui choque et marque.