Géopolitique - L'avenir du Cambodge s'assombrit-il ?
Pays en dehors des radars des médias occidentaux, le Cambodge a toujours une image positive. Mais depuis quelques années, le régime de Hun Sen se durcit de plus en plus.
Le Cambodge est pourtant un royaume, dirigé par Norodom Sihamoni depuis 2004. Mais il s’agit d’une monarchie constitutionnelle et le véritable pouvoir est dans les mains du premier ministre. De fait, depuis la chute des Khmers rouges en 1979 et la fin de la guerre en 1989, le pouvoir est resté quasiment dans les mains de Hun Sen, le premier ministre actuel. Ce fut lui qui mena déjà les négociations de paix dans les années 80 avec le souverain de l’époque, Norodom Sihanouk, le père de l’actuel roi. Battu dans les élections en 1993, il reviendra par la force au pouvoir en 1997 et ne l’a, depuis, jamais quitté, évinceant tous ses concurrents. Son principal opposant, Sam Rainsy, est en exil en France. Celui qui lutta contre la corruption (le pays est classé 157ème sur 176 dans ce domaine) est aussi un fervent nationaliste qui veut revoir le tracé de la frontière avec le Vietnam. Gracié des accusations de Hun Sen par le roi actuel en 2006, il se présente aux élections de 2013, qu’il perd largement en contestant le résultat. Mais Hun Sen a tout de même la peau du parti de Rainsy, le Parti du Salut National, en obtenant d’abord la démission de son leader puis la dissolution en Novembre 2017 par la cour suprème. Son autre leader, Kem Sokha, est accusé de trahison et espionnage. De fait, aujourd’hui, il n’y a plus d’opposition dans les élections de 2018.
Hun Sen refuse aujourd’hui tout dialogue avec les leaders de l’opposition qui n’ont aucune chance démocratique d’accéder au pouvoir. Il installe des membres de sa famille à des postes clés pour sécuriser son pouvoir. Mais le Cambodge se retrouve aussi dans une surenchère nationaliste inquiétante avec, au coeur, des symbôles de l’empire Khmer. Ainsi, le temple de Preah Vihear est disputé par la Thaïlande suite aux changements de frontières durant la domination française. Un problème de tracé de frontière existe aussi avec la province de Svay Rieng et on peut rendre grace de Hun Sen de ne pas avoir mis trop en exergue ce conflit pour assoir son pouvoir. Il faut dire qu’il a accédé au pouvoir en partie grace au Vietnam dans la période de la République populaire du Kampuchea. Le parti de Hun Sen, Le Parti du peuple Cambodgien, reste un héritier du parti communiste et pourtant est membre de l’International Démocrate Centriste, dont les Républicains français et la CDU allemande sont aussi membres.
S’il restait un semblant d’équilibre dans les législatives (probablement balayé dans le scrutin de juillet de cette année), ce n’est pas le cas dans le sénat du pays dominé par le PPC. L’ONU a suspendu son aide à l’organisation des législatives. Mais la Chine a trouvé un allié de poids dans la région avec le Cambodge. Le pays est le principal partenaire économique et a bloqué certaines discussions dans l’ASEAN, dont il faut rappeler que la Chine est absente. Le divorce semble donc bien consommé aujourd’hui avec les Etats-unis qui peuvent dire aujourd’hui leur couroux vis-à-vis de la tournure du régime. Et on comprend la Chine qui essaie de mettre en place une nouvelle Route de la soie tant maritime que routière. Le Cambodge peut-être un moyen de liaison entre les deux, puisque le Laos voisin est aussi proche politiquement. La lutte d’influence USA-Chine se joue donc aussi dans ce pays. Il faut ajouter à cela que les ressources pétrolières du Cambodge ne sont pas encore très connues. Il y a donc un potentiel enfoui dans ce pays et ses côtes proches.
Mais depuis quelques temps, on observe une dérive nouvelle vers le culte de la personnalité. Il s’inscrit comme chantre de la stabilité, même si le pays reste à la traîne dans la région à coté de ses voisins thaïlandais et vietnamiens. Les indicateurs économiques montrent tout de même une forte croissance depuis 2000, que la crise économique mondiale n’a pas entammée. On a atteint des taux à deux chiffres pendant quelques années, et on reste au dessus des 7%. La pauvreté diminue selon les chiffres officiels et on est aujourd’hui à 20% contre 50% au début des années 2000. Autant de facteurs qui expliquent aussi que le Japon signe des accords avec le leader du pays pour des prêts financiers importants, au grand dam du leader de l’opposition. Les intérêts économiques sont souvent plus importants que l’exercice de la démocratie. Et il n’est pas sûr que l’opposition possible soit plus crédible dans ce domaine d’ailleurs avec un parti d’opposition qui avait lui aussi un culte de la personnalité (Parti Sam Rainsy) et un recours à l’autoritarisme. Il n’y a plus qu’à espérer que la succession de Hun Sen dans quelques années se fasse en douceur.
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