Cinéma - 120 battements par minute de Robin Campillo (2017)
C’est l’un des grands films de cette année, un film qui réussit à être documentaire tout en gardant des éléments du mélodrame. Et pourtant le sujet était difficile…
Parler du Sida et d’une des associations les plus controversées des années 80-90 est loin d’être évident. Robin Campillo ne pouvait pas faire un Philadelphia à la française ou un remake des Nuits fauves. Et pourtant on retrouve l’amour de ce dernier à travers la relation entre Nathan et Sean, deux militants de l’association Act-Up Paris. Cette association était alors celle des scandale, car plus radicale que les autres, avec des actions coup-de-poing où ils envahissaient des lieux, balançaient des poches de faux sang, utilisaient des images chocs dans leurs campagnes. Bref, ils bousculaient les esprits, la société qui ne voyait pas l’urgence.
120 BPM (pour le rythme de la House music) c’est aussi un film sur le militantisme, au sens large. Je me suis largement retrouvé dans beaucoup des scènes des “RH” (réunions hebdomadaires) avec ces débats houleux pour choisir les actions, savoir si on doit axer sur la prévention, si on doit provoquer, faire parler de l’association donc de la cause, etc… Sauf qu’ici, ce n’est pas de sauver des animaux que l’on parle, mais de sauver les malades, dont beaucoup sont dans l’association elle-même. On les voit arriver, s’épanouir, lutter, se rebeller …. et mourir.
Aujourd’hui, j’ai le sentiment qu’on a oublié ce qu’est le Sida, ce qu’étaient ces années d’ignorance où il fallait informer les plus jeunes (moi…), les soignants, les pouvoirs publics, tout le monde. J’avais la chance d’être dans un collège-lycée plutôt ouvert sur la question et qui a mis en place de la prévention, un distributeur de “capotes”. Et ainsi on sut que ce n’était pas que “la maladie des pédés et drogués” comme les militants disaient… Mais il y a aussi eu l’affaire du sang contaminé. On la revit aussi ici à travers l’histoire d’une femme et de son fils hémophile et on revit surtout tout le débat entre les associations sur le sens d’un procès. Et puis il y a la lutte avec les laboratoires qui recherchaient sur la maladie, pratiquaient des tests aussi douloureux qu’opaques, ne réalisaient pas l’urgence (souvenons nous récemment d’Ebola et de la chronologie de la réaction des laboratoires… lorsque la maladie a commencé à pouvoir toucher l’occident)
Tous ces éléments en font un film essentiel aujourd’hui qui ne touchera pas seulement un public qui, comme moi, a vécu ces années sida mais qui devraient toucher tout le monde. On voit des hommes et des femmes, malades, qui font tout pour vivre, survivre, aimer encore et encore. Il y a quelques longueurs, que l’on peut comprendre, comme ce coït entre Nathan et Sean ou ces intermèdes de House très esthétisants. Ce sont des envies de vivre qui nous capturent et non pas le film d’une mort lente comme on pouvait le craindre. Et si ça dure plus de deux heures, c’est tellement fort que ça passe vite, trop vite. Dans les réussites du film, il ne faut pas oublier son casting, avec au premier rang Nahuel Pérez Biscayart qu’on a déja apprécié dans l’autre grand film de cette année, Au revoir là haut ou Antoine Reinartz, pour ne citer qu’eux.
Je me réjouis que 800 000 personnes soient aller voir déjà ce film. Espérons qu’il continuera à avoir une carrière à travers la VOD, les diffusions télé, pour que l’on n’oublie jamais cette maladie qui continue de sévir, et qu’on oublie pas non plus le besoin du militantisme dans toutes ses formes.