Littérature - Ru de Kim Thuy (2009)
Ru est un court roman autobiographique retraçant le parcours d’une enfant de 10 ans, boat people du Vietnam jusqu’à son installation au Québec.
Kim Thuy nous parle d’elle, nous parle de sa famille et des épreuves traversées du départ du Vietnam à la chute du régime du sud, jusqu’à nos jours en passant par son installation au Québec. Elle a 10 ans quand tout commence, lorsque du jour au lendemain cette petit fille de préfêt quitte sa confortable vie pour la cale d’un bateau puis un camp de réfugiés. A cette époque, le monde s’organise un peu pour recueillir ceux qui fuient les purges, les réglements de compte inhérents à la fin d’une guerre, ou simplement la pauvreté. Kim Thuy écrit cette Histoire :
“Je me souviens d’élèves à l’école secondaire qui se plaignaient de leur cours d’histoire obligatoire. Jeunes comme nous l’étions, nous ne savions pas que ce cours était un privilège que seuls les pays en paix peuvent s’offrir. Ailleurs, les gens sont trop préoccupés par leur survie quotidienne pour prendre le temps d’écrire leur histoire collective.”
Et le moins que l’on puisse le dire, c’est qu’elle l’écrit bien, avec retenue mais aussi détails. Ces détails qui frisent l’horreur, rappellent bien ce que fut et ce qu’est encore la réalité d’une migration forcée. Elle a connu la mort autour d’elle, la survie et je laisse à chacun découvrir cela dans ce récit court et intense. Kim Thuy a su trouver les mots pour décrire cette découverte de ces lieux qui la marqueront à jamais, ces haltes à travers le pacifique jusqu’à cette province enneigée, bien loin de la chaleur du sud Vietnam. Elle change de mode de vie, voit sa famille et ses parents changer, lutter pour lui offrir un lendemain meilleur. Elle a un peu de chance de tomber sur de “bons parrains”, mais tout cela ne dure jamais. Et elle nous parle surtout d’elle même, avec des mots qu’elle ne prononçait pas, enfant timide qu’elle était.
Devenue vietkieu, elle ira comme tant d’autres redécouvrir son pays, rencontrer à nouveau sa famille restée là bas, ses voisins, ces lieux de son enfance. Les blessures ne cicatrisent pas vraiment et l’on y parle de trahisons, de dénonciations, de rééducations tout autant que de réconciliation. Ce petit livre qui sera suivi d’autres oeuvres sur ce thème, est de ces indispensables pour qui veut comprendre l’horreur des conflits et des migrations, et même comprendre la guerre du Vietnam. Évidemment, tout semble court, dans cette lecture. Par delà les mots et les phrases, on sent encore la souffrance et tout ce qui ne peut pas être dit ou avoué. 140 pages qui en valent beaucoup d’autres, dans une simplicité admirable.