Cinéma - Des rêves sans étoiles de Mehrdad Oskouei (2017)
C’est à un documentaire iranien que je m’intéresse aujourd’hui. S’il sera dur à trouver en salle et si le sujet est peu engageant par rapport à un film “classique”, il est pourtant dommage de rater cette peinture de la société iranienne, à travers un centre de réhabilitation et détention pour mineures.
À Téhéran, dans un centre de détention et de réhabilitation pour mineurs, des adolescentes détenues pour crimes et délits, voient leur vie s’écouler ou gré des rires, des chants et de la mélancolie. L’ennui de leur vie et la peur de ce qui les attends dehors, rythment leur quotidien.
C’est l’hiver à Téhéran qui se retrouve sous la neige. Et c’est ainsi que nous faisons connaissance avec ce groupe d’une dizaine de jeunes filles de 15 à 18 ans qui jouent à faire un bonhomme de neige ou chantent. Petit à petit, à travers des interview, le réalisateur (également professeur) avec sa voix neutre et monocorde, nous présente ces différentes personnalités. Et sans aucun commentaire pour contextualiser l’action, il crée de l’empathie pour chacune d’elles. Pourtant, elles sont coupables d’un crime, d’un délit, ou juste d’errer dans la rue pour fuir. Elles ont toutes en commun de fuir la violence de cette société très patriarcale. Là c’est un oncle qui viole, ici c’est un père qui bat soeurs et mères, là c’est un père ou une mère drogué(e) à l’opium ou qui la force à se prostituer pour l’argent de la drogue, à dealer. L’une d’elle a tué son père pour aider sa soeur et sa mère et on ressent cette terrible souffrance juste à travers ses mots.
On les voit se rapprocher, se soutenir les unes les autres, à travers ces points communs. Et le réalisateur entrecoupe tout cela avec les coups de téléphones, les visites qui rythment cette vie d’enfermement dans une grande salle commune. Il n’y a pas de violence, de rébellion mais plus l’angoisse de sortir de ce lieu qui ne protège pas la société iranienne d’elles mais les protègent plus de la société des hommes. On pleure de les voir ainsi apeurées de retrouver leur famille. On rit lorsqu’elles jouent à des jeux identiques à ceux de notre jeunesse. On sourit à voir celle qui lit et relit des BD de Hergé. On est ému à voir ce bébé qu’une jeune fille récupère, son bébé qu’elle a eu à 15 ou 16 ans.
Il n’y a aucun artifice racoleur pour rajouter au pathos, aucun commentaire. Nous ne faisons que les entendre, les écouter, elles qui étaient insignifiantes. Ca ne dure qu’une heure et seize minutes et c’est intense. Dommage que la traduction sous-titrée ne soit pas toujours au niveau avec pas mal de coquilles. En tout cas, ça nous fait nous poser des questions aussi sur le sort, ici en France ou ailleurs, de ces victimes de sévices dans des familles. J’en ai connu, des garçons, qu’on ne savait pas où caser et dont je me demande aujourd’hui le devenir. Loin de faire un procès de son propre pays, Mehrdad Oskouei, à travers ses films documentaires, met devant nos regards les travers, les choses que l’on ignore ou que l’on veut ignorer. Un film que l’on met du temps à “digérer”.