Réflexion - Prendre le temps de...
Les vacances, c’est prendre le temps de… Mais il faudrait se l’appliquer toute l’année.
L’ami pilgrimwen me reprochait d’être aussi optimiste qu’un naufragé dans le cap Horn, et me disait de trouver le petit bonheur qu’il peut y avoir chaque jour. Je n’ai heureusement pas besoin de ce conseil, mais ça n’empêche pas de faire des constats négatifs sur certaines choses….justement dans le but de faire prendre conscience, ou de témoigner. On peut parallèlement voir aussi le bon côté et de prendre le temps de le savourer.
La liseuse de Jean-Honoré Fragonard
Avec l’âge, on se rapproche de la fin, certes, mais si on y pensait, on accélérerait les choses alors qu’au contraire, on apprend à les savourer. Prenez la musique : Il y a quelques années je pouvais acheter jusqu’à 4 albums par semaine. Aujourd’hui on peut écouter et téléchargement ce qu’on veut mais on va dans l’immédiat, le facile. On peut même collectionner plus de musique que l’on ne pourra jamais écouter. Les oeuvres prennent parfois du temps à s’apprécier, ce que je ne faisais pas assez à ce moment de la vie. Et même dans l’âge d’or d’Histozic, je me concentrais parfois trop sur le remplissage plutôt que sur les albums. Je n’ai pourtant jamais sombré dans le piège de l’album promo, comme tant de sites de musique….quoiqu’un chroniqueur à une époque, ….enfin bon. Alors quand je vois la mafia de l’édition à l’oeuvre dans les blogs littéraires, je me marre. Les gens capables de te sortir 4 chroniques de livre par semaine, même si je ne faisais que ça, jamais je n’arriverai à avoir le recul nécessaire pour “juger”. D’ailleurs le but est plus de donner envie, de partager ce que l’on aime que tout autre chose (…….. remplissez la case)
On peut voir ça aussi dans** l’actualité, qui ne prend jamais assez de temps** : Comme la presse dans l’affaire des chantiers STX. Qui a parlé du fait que les chantiers STX sont aussi des chantiers avec un savoir faire militaire qui touche à la défense nationale? Qui a parlé du rapprochement entre Fincantieri et un constructeur chinois qui aboutit à des prises de capitaux croisés et des synergies dans le domaine de la défense, accord intervenu après la reprise de STX… Prendre le temps de l’analyse. Et même dans la construction d’un film comme Dunkirk (Dunkerque) où Christopher Nolan aurait mieux fait de prendre le temps… de lire l’histoire de la défaite de Dunkerque, de montrer le contexte et la raison de cette gabegie, de montrer une réalité moins “anglo-anglaise” plutôt que de se faire mousser sur des milliers de cadavres…. ça c’est aussi pour tous les critiques qui se masturbent sur chaque film de Nolan par effet de mode, sans prendre le temps d’analyser et réfléchir.
Mais arrêtons là le coté négatif. Prendre le temps d’écouter un album, c’est non seulement écouter les paroles, les variations, les détails de production, la dynamique, mais se laisser aller, partir dans un imaginaire qui peut parfois rejoindre celui du créateur….ou le croire. Là, je suis depuis quelques semaine sur un album de Plini, qu’Alias a d’ailleurs chroniqué…. Je prends le temps de le “comprendre”. Dans un livre, c’est se détacher des mots, des pages pour se créer un univers relié au livre, voir les lieux, les personnages comme si nous étions dans un film. Et justement, dans un film, le temps est dicté par le réalisateur. Pourtant, on peut aussi prendre le temps de se remémorer le film, ne pas faire tout de suite une critique, ou alors partager une impression à chaud avec sa compagne/son compagnon…
L’épicier Ecrivain de Germain Théodore Ribot
Et prendre le temps, pour un blogueur, c’est ne pas faire du copier coller d’un article, ne pas recopier des pans d’un livre, … C’est prendre le temps de réfléchir, comme l’a dit Cyrille en parlant de la situation de Firefox. Sur le logiciel libre, c’est regarder la situation du marché du logiciel, les habitudes très changeantes, faire de la veille technologique. Prendre le temps, c’est ne pas s’enfermer dans des carcans idéologiques. Si c’est de la politique, c’est ne pas réagir à toutes les petites phrases, les évènements à chaud. Il y a tant d’imbécilité sur les éditoriaux et les réseaux sociaux qu’on peut faire autrement. Prendre le temps, c’est aussi de choisir avec soin son illustration iconographique et sonore, …
Et puis prendre le temps, c’est simplement** oublier Internet, le smartphone, regarder la vie autour.** J’entendais Pierre Rabhi parler et dire qu’il n’utilise pas Internet. Soit, ….je ne serai pas aussi catégorique mais il posait tout de même une question intéressante : Est-ce qu’Internet est encore là pour aider l’homme ou ne l’asservit-il pas dans la manière dont nous en sommes devenu dépendant? Pilgrimwen va encore trouver que je suis pessimiste, mais non, au contraire. Il y a un mouvement non pas décroissant comme on le dit de manière manichéenne, mais qui essaie de revenir aux fondamentaux du partage libre, hors des réseaux qui nous imposent un format, un mode de diffusion. Le blog était encore dans cet esprit, alors que pour Youtube, on peut considérer aujourd’hui que c’est formaté, comme une émission de télévision. Je ne parle même pas des réseaux sociaux (Mastodon compris), vous connaissez mon avis…
Même professionnellement, il est bon de prendre le temps. Évidemment, comme je dois gérer l’immédiat et des projets de plus long terme en parallèle avec des actions moyen-terme, il faut que je prenne du temps pour repenser ce qui n’est pas urgent. Il faut prendre le temps aussi d’analyser les causes des ces interventions “pompier” qu’on peut avoir. Mais coincés par des actions sans valeurs ajoutées, on oublie cela, et c’est bien dommage. L’été est justement cette période où, comme nous n’avons pas deux mois de vacances, il est possible de prendre le temps d’analyser, préparer. Pour des profs, c’est penser à des supports, des cours, des innovations. Et bien pour les autres aussi, il y a à ranger, synthétiser, expérimenter des méthodes, … Mais surtout, c’est profiter de cette coupure pour se reposer, vagabonder, apprendre du monde qui nous entoure.
A l’heure où j’écris ce billet, j’entends un criquet qui chante à la nuit tombante. Chaque soir, il vient au même endroit, sans que je puisse le distinguer. Il rompt le silence propice au sommeil et pourtant me fait partir un peu plus loin, vers le sud, vers des souvenirs d’enfance, de vacances. Là aussi, je prends le temps de l’écouter, tout simplement…