Cinéma - Mr Smith au sénat de Frank Capra (1939)
Dans ma cinémathèque idéale, ce film tient une très bonne place. Au même titre que **La Vie est belle, il décrit l’Amérique vue par l’émigré italien Capra. Mais avant la finance et le pouvoir local, il s’attaquait au système politique.**
“Jefferson Smith, un jeune homme naïf et idéaliste, est désigné sénateur des États-Unis par le gouverneur de son État, pour remplacer un sénateur décédé, aux côtés de Joseph Paine, un politicien rompu à toutes les combines politiques. Smith dépose au congrès des États-Unis un projet de loi de création d’une colonie de vacances pour les enfants des villes, ignorant que Paine défend un projet portant sur la construction d’un barrage au même endroit, projet s’annonçant plus que juteux pour certains. Smith découvre les non-dits, les corruptions et les compromissions des hommes politiques, et refuse de devenir l’homme de paille des affairistes.” (Wikipedia)
Comme le film qui suivra, on trouve déjà James Stewart pour incarner le héros. C’est alors la représentation de l’américain type, un peu comme Tom Hanks l’a été pendant longtemps, par exemple. Il ne pouvait être mieux choisi pour incarner l’incursion du peuple dans “l’aristocratie politique”. A l’époque, l’Amérique n’est pas encore dans le McCarthisme mais déjà, il y a la peur du rouge. D’autant que Staline est au coté d’Hitler pour l’instant, pour profiter du dépeçage de la Pologne. Critiquer le système politique américain, venant d’un émigré italien, ça serait presque déterrer l’affaire Sacco et Vanzetti. Et pourtant, il sera interdit dans les dictatures de l’époque…
La pierre angulaire du film est le discours de Smith au sénat, un discours plus que fleuve qui le met à bout. Capra a l’intelligence de prendre aussi de bons seconds rôles, avec d’un coté les “gentils” Clarissa Saunders (Jean Arthur) et Diz (Thomas Mitchell), et de l’autre le détestable Senateur Paine (Claude Rains). On a évidemment d’un coté la vision utopique de la politique amenée par Smith et de l’autre le réalisme cynique d’un Paine qui conserve une once d’humanité. Après tout, il était un ami du père de Smith… Les politiques de l’époque assassineront et feront pression sur la production pour interdire un film qui pouvait les faire passer pour “tous pourris”. Hollywood le nominera 11 fois aux oscars mais il n’aura que le prix de la meilleure histoire originale.
Le film a beau être ancien et en noir et blanc, il conserve tout son crédit dans une période trouble pour la politique. A l’époque où l’on met le terme “populisme” à toutes les sauces, il est bon de comprendre le fossé qui existe entre ces deux visions de la politique. Si tout n’est pas pourri, il y a, au coeur de ce film, la lutte pour accéder au pouvoir et le conserver. Smith n’a pas eu à lutter pour ce “pouvoir” mais il comprend très vite qu’il n’en a aucun, malgré le titre. Si Paine est devenu cynique, c’est justement qu’après la découverte de ce milieu, il a dû lutter pour y survivre et conserver ce poste. C’est un peu ce qui fait dire à certain qu’un mandat ou deux suffisent, ou que le tirage au sort est une bonne idée. Ah si tout était si simple….
Reste un film devenu majeur dans l’histoire du cinéma. Les critiques de l’époque sont oubliées, pour la plupart et il incarne une part de rêve américain, celle d’une démocratie où le peuple aurait son mot à dire. L’actualité montre que nous en sommes loin. Comme beaucoup de vieux films, il est visible librement ici. A moins d’une rediffusion sur Arte lors des prochaines élections US.