Réflexion - Oubli et mémoire
Les billets de blog arrivent un peu par hasard, par des coïncidences entre l’actualité, la vie de tous les jours, une lecture. Et la semaine dernière, on parlait du fameux classement des universités mondiales et du principe. On parlait aussi de Charlottesville et de la “mémoire”, de l’histoire, ce qui m’a amené au sujet de la Culture générale.
Je lisais une anecdote familiale de Cyrille dans son forum et ça me montrait bien le manque de culture mais aussi de curiosité de ce que nous appelons communément “Jeunes”… En réalité, la généralité est fausse et ce n’est que l’âge qui augmente certaines connaissances, même chez les moins curieux. L’éducation scolaire forme, c’est sûr, mais oriente vers l’efficacité plus que la culture générale qui tient au comportemental, à la curiosité. J’y reviendrai plus tard mais c’est justement ce qu’on reproche à ce classement des universités, d’origine chinoise : On compte des publications scientifiques et donc cela privilégie le réseautage des universités anglo-saxonnes et leurs partenaires, en plus de certains comportements de la communauté scientifique (des études un peu débiles, histoire de faire du buzz??). On juge la quantité, moins la qualité, même s’il y a aussi une étude de la reprise des études par d’autres publications. On ne le dira jamais assez :** Comprendre les autres, c’est comprendre leur culture, donc la connaître.**
Qui saura trouver la signification de ce monument? (licence CC BY-SA 3.0 Nicolas Grandjean)
Et j’en arrive à** Charlottesville**. Ce qui m’intéresse là, ce n’est pas l’attentat d’un illuminé qui a tué une jeune femme, mais la cause racine. En effet, si l’extrême-droite manifeste, c’est par rapport à la destruction d’une statut du General Lee (pas la voiture de Sherif fait moi peur…mais Robert E. Lee, le chef militaire des sudistes durant la guerre de sécession). Il représente plus qu’un chef militaire mais à l’image du drapeau confédéré (le truc sur la bagnole, oui, si tu veux….), c’est une revendication identitaire du sud par rapport aux nordistes qui gouvernent le pays à Washington. Si on voulait faire un parallèle avec la France, on pourrait dire que c’est leur George Cadoudal. Sauf que vient s’ajouter à cela le sujet de l’esclavagisme, qui pourtant perdurera jusqu’au milieu du vingtième siècle à travers la ségrégation, là aussi surtout dans le sud. Pour comprendre tout cela, il faut bien sûr comprendre la structure fédérale des Etats-unis. Paradoxalement, les années Obama ont fait parler de l’esclavagisme (cf le nombre de films sur le sujet) et de la ségrégation mais par effet boomerang, a amené un retour du Ku Klux Klan (qui avait disparu quasiment) et des groupuscules suprémacistes blancs. En France, nous avons gommé depuis 2012 la dernière trace du Régime de Vichy dans les rues et statues et cela reste une blessure à vif, au même titre que la guerre d’Algérie, la colonisation… On glorifie rarement les perdants, mais dans notre histoire nous avons quand même quelques héros statufiés avec des controverses et quelques crimes contre l’humanité. (dois-je en faire la liste?).
Se pose alors la douloureuse question du devoir de mémoire. Autant le dire tout de suite, je n’apporterai pas de réponse péremptoire. J’ai en mémoire quelques sujets complexes qui ressurgissent aujourd’hui comme la Guerre en Mandchourie, le génocide Arménien, ou même le problème du Kosovo. La mémoire est à la fois la source de conflits, mais aussi la possibilité de réconciliation. Tout oublier peut amener à des extrêmes, comme ne plus parler des génocides, sujets tabous, mais fait éviter un sujet de conflit. Pourtant, cela empêche de comprendre la constitution d’une culture nationale ou régionale, par exemple, de comprendre le caractère d’un peuple, et de comprendre aussi les décisions politiques qui peuvent être prises. Dans ce que j’ai cité auparavant, il y a des aides pour comprendre aussi bien la politique internationale du Japon, de la Chine, de la Corée, de la Turquie, de la Russie, de la Serbie, de la France. Et là j’en reviens à la vie de tous les jours, ses hasards.
Fumer, c’est mal (Bundesarchiv, B 145 Bild-F020538-0006 / Steiner, Egon / CC-BY-SA)
Je ne sais plus trop comment cela a commencé mais avec un collègue de quelques années mon ainé, nous avions une discussion avec deux jeunes embauchés d’écoles d’ingénieurs. La discussion a commencé sur le fait qu’ils ne connaissaient rien du président Pompidou (le centre culturel??). Puis nous en sommes venu à la cinquième république, sa fondation, son fonctionnement, son pourquoi… ignorance. Nous sommes venus à la quatrième, son fonctionnement. Est venu le parallèle avec le système allemand, américain (là, ils connaissent un peu plus, mais à peine). On a parlé 1ère république, 2ème, 3ème…. Je vous passe les confusions honteuses entre 1958 et 1968. On a parlé fondation de l’Europe, plan Marshall (j’ai laissé dire une erreur d’ailleurs sur Marshall et McArthur…oups), reconstruction de l’après guerre, miracle économique allemand et japonais. Il ne comprenaient pas, par exemple, pourquoi les Etats-unis ont aidé à la reconstruction du Japon….Avec le recul, ce n’était pas forcément très gentil, bien que non moqueur, mais cela montrait l’étendue d’un vide culturel qui a plusieurs sources. L’un des deux avait au moins le réflexe de chercher sur Google avec son smartphone. Peut-être aura-t-il l’envie de combler ses lacunes comme j’en avais à son âge. Bon, on a aussi parlé histoire des marques automobiles mais ça, c’est franchement moins important :p
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la culture générale est à géométrie variable **(pratique pour l’étaler…).** S’ils sont ignares en histoire, ils ont chacun des domaines où ils me piégeraient tout autant, vraisemblablement. La valeur de la culture générale pourrait se mesurer à l’utilité qu’elle peut avoir dans notre vie, tant personnelle que professionnelle. Elle peut aider à s’insérer en société, en entreprise, à faire la différence mais il ne faudrait pas sombrer dans un jugement de valeur qui mettrait l’expert en poésie moyen-ageuse au dessus de l’expert en jeu vidéo des années 80 ou l’expert en chansons de Johnny Hallyday. Les trois sujets ont la plupart du temps aussi peu d’intérêt dans une conversation, ont nécessité de longues heures d’apprentissage…. Mais je pourrais en dire autant d’une lecture sur la stratégie militaire chez Von Clausewitz. Encore que…
Aujourd’hui, je suis fasciné par la masse de connaissance à laquelle j’ai accès dans la paume de ma main (non, pas le poil, voyons! ). J’ai l’impression souvent d’avoir perdu des années de ma vie à ne pas lire certaines oeuvres, à ne pas avoir vu certains sujets, certains films, écouté certaines musiques, … Et pourtant il faut avoir l’envie, la concentration, cela venant aussi de paire avec le besoin. Je crois que je n’aurais jamais appris l’utilisation de tableaux croisés dynamiques ou du HTML si je n’avais pas eu un besoin un jour. Par extension, le logiciel libre, GNU/linux, l’administration réseau ça ne motive pas forcément le commun des mortels, à moins d’avoir un besoin. Mais je m’égare. A travers ces sujets qui s’imbriquent, je me pose des questions sur l’éducation, sur ce socle de connaissance nécessaire, sur le fait qu’on peut être ingénieur donc quelqu’un jugé éduqué tout en étant totalement ignare (l’un des deux parlait de moyenne entre 4 et 6….) dans des matières qui ont été enseignées durant au moins 5 ans et qui devraient amener à la compréhension du monde qui nous entoure. C’est un sujet qui a commencé à me harceler depuis un passage au 152ème RI pendant 10 mois, si vous voyez ce que je veux dire… Comme quoi, là aussi, c’est en rencontrant les autres que l’on comprend mieux.
Terminons en musique avec Cat Stevens, pardon, Yusuf Islam dans une version toute personnelle (notez les rires à l’annonce…. hum) :