Blog - De la légitimité à parler de...
Lorsque l’on est blogueur, on parle de beaucoup de choses, bien plus souvent que ce qu’un journaliste fait, puisqu’on compare beaucoup (à tort) les deux. Se pose alors la légitimité à parler de différents sujets.
Pour reprendre la comparaison ci-dessus, on ne demande pas le pédigré d’un journaliste lorsqu’il parle d’un sujet. S’est on on demandé les études qu’ont fait Mac Lesgy ou Michel Chevalet pour parler de science ? (ndla : ingénieur pour les deux…) Sait-on forcément ce qu’a fait avant le chroniqueur musical ou culinaire d’un grand quotidien? Non, on fait confiance au périodique ou à la chaîne de télévision. Parfois on oublie un peu trop les liens avec certaines puissances (les journalistes économiques par exemple) mais globalement, ça semble marcher correctement…. Pourtant le public a une défiance de plus en plus marquée vis à vis de la profession.
Dans le cas d’un blog, c’est différent puisque c’est le blogueur qui fait ce qu’il veut. Il peut dire des conneries comme révéler des vérités… on n’a aucun moyen de le savoir. C’est la même chose sur Youtube et c’est aussi le cas sur les réseaux sociaux qui n’en sont que le prolongement. De là, on en découvre le phénomène des fake news, les faux sites d’informations que j’ai dénoncé en d’autres temps et ailleurs, mais aussi les “haters” qui viennent agresser ceux qui essaient de dire des vérités en disant qu’ils ont tort, sans le moindre argument. Pour certains, la légitimité vient par la profession affichée. Je ne viendrais pas attaquer M. Borne sur les maths, c’est son job et il a connu aussi une “vie réelle”. Pour le logiciel libre, c’est plus compliqué car il n’y a pas un doctorat de la Free Software Foundation. Pour Linux, on peut être sysadmin c’est sûr, mais aussi un passionné qui a appris à se démerder par lui même. Pour le cinéma, pas besoin d’une école de cinéma pour être critique et François Truffaut a commencé comme critique, après des petits boulots avant de devenir le cinéaste respecté que l’on connaît. Etc…
Mais cette légitimité, justement , ne cache pas le sexisme. Combien de blogueuses ou youtubeuses ne traitent que de la mode ou de cuisine alors qu’elles ont d’autres boulots et hobbies plus intéressants. Le documentaire ci-dessous traite de ce sujet et on voit que beaucoup ne pensaient pas avoir la légitimité à parler d’un sujet qu’elles connaissent pourtant bien. J’ai mis du temps à parler d’automobile, par exemple, car je connais mes lacunes. Mais après un petit détour dans les forums consacrés au sujet, j’ai vu aussi le monceau de conneries que l’on peut raconter, avec l’éternel problème de la grande gueule face aux gens respectueux dans ces lieux. Je vois des blogs plutôt pas mal sur le sujet mais pas exempts d’erreurs (qui peut être parfait) et je ne me vois franchement pas faire ça tous les jours, après mon boulot. Et en plus, c’est un des milieux les plus machos qui soit, donc je ne supporte pas cette ambiance.
Alors c’est vrai que je parle de passions que j’ai eues que j’ai encore. J’ai mis un peu de temps à parler de livres, parce que je préférais avoir pratiqué moi même suffisamment l’écriture. J’ai attendu d’avoir suffisamment de culture musicale avant d’en parler, d’abord sur des forums, puis dans histozic. C’est en voyant le manque de connaissances de mes semblables en géopolitique, et après bien des années d’intérêt, que j’ai pris la plume pour cela. Mais mon métier, c’est la mesure physique et tout ce qui a trait aux incertitudes de mesure. J’ai croisé des gens qui travaillent aujourd’hui dans les meilleurs laboratoires du LNE et aujourd’hui, je sais tout le chemin qu’il me reste à faire dans un nouveau service où je suis un peu “atypique”. Alors partant de là, je devrais parler de calculs d’incertitudes, de méthode GUM (pdf) , de dérive de capteur, de modélisation d’une erreur, bref, un peu ce que je fais en partageant le savoir au quotidien, auprès de ceux qui utilisent des matériels dont ils ne connaissent rien. C’est un métier très technique (cette semaine j’aurais pu parler de lissage des données d’une loi course/effort avec détection des points d’inflexion et calcul des raideurs…) et qui ne passionne pas les foules, contrairement à l’espace, par exemple, où excelle Florence Porcel, plus présente sur Youtube, ou à l’histoire, où même un acteur peut nous faire croire à des bobards et distordre la réalité des faits.
Je m’interroge parfois sur la légitimité à parler de ces sujets. J’ai même mis des dessins à une époque, passion de jeunesse décidément trop endormie depuis 10 ans. Mais aujourd’hui je me contente de ce qu’il y a dans le menu sur le coté ou en haut. C’est déjà pas mal. Je me place non pas en tant que spécialiste, mais en tant que passionné ou amateur, celui qui aime, terme devenu péjoratif et pourtant bien meilleur que béotien (encore un mot détourné de son sens, toutefois). Je relate donc des essais de logiciels en me plaçant dans l’angle d’un utilisateur peu expérimenté (l’expérimenté trouvera plus facilement) et je crée des tutoriels dans ce sens… ce qui de toute façon reste formateur pour celui qui l’écrit et plutôt que de décortiquer une œuvre culturelle, je préfère donner à quelqu’un l’envie de la voir, l’entendre, la lire… La légitimité que je me donne ou pas, est masquée par la passion qui me fait écrire par plaisir. Le jour où je perds ce plaisir, je cesse d’écrire sur un sujet. C’est peut-être aussi ce qui m’a fait arrêter d’écrire dans un webzine, sur commande, sur des sujets qui s’éloignaient de mon intérêt, dictés par une ligne éditoriale de plus en plus différente de l’origine. D’un autre coté, je me réjouis de voir, par exemple, que Chaos invisible se lance dans des tutoriels, ou de voir des blogueuses BD se lancer dans des thèmes qu’elles connaissent moins. “c’est en forgeant qu’on devient….”
Alors entre parler de tout et parler de choses futiles, où est le juste milieu? Sans doute dans le fait de** ne pas penser au regard des autres ou attendre qu’on vous donne une légitimité comme cadeau**. “l’enfer, c’est les autres” disait Sartre dans huis clos, et penser d’abord aux autres est parfois dangereux et castrateur, même si, dans le blog, on y pense forcément….Un peu. La légitimité finit par venir avec le temps, la pratique, même dans un cercle modeste. On peut être mauvais, aussi, sans que personne ne nous le dise, comme peut-être dans cet article de blog devenu une mise en abîme dont la fin s’improvise. Mais au moins a-t-on essayé… On peut faire de la psychologie à 2 balles sur ce besoin d’écrire/parler d’un sujet, qui n’est pas éloigné de celui d’écrire des histoires, des romans. C’est avant tout un partage et une envie de raconter. Chacun a quelque chose en lui à raconter et trouvera la manière qui lui sied le mieux (comme alterlibriste pour la radio…), qu’elle soit à travers des personnages d’un livre, d’une pièce, dans un blog, etc…
Je terminerai juste sur une lecture d’un livre d’anecdotes d’une hôtesse de l’air, que j’ai eu brièvement entre les mains (le livre, pas l’hôtesse, voyons!!!). C’était la retranscription d’un blog (les éditeurs manquent d’imagination…) et l’introduction parle justement des réseaux sociaux qui rapprochent ces personnes sans attaches de leurs “proches”. J’ai du mal à comprendre comment mettre un selfie de soi dans un hôtel de rêve rapproche, ou est-ce qu’il est légitime d’être narcissique. C’est un peu la limite que je me fixe dans un blog….où je sais déjà que j’abandonnerai peu à peu quelques sujets. J’en ai abandonné un, qui est très bien traité ailleurs, par des personnes qui ont.. La légitimité, qui est aussi celle d’agir localement.
ps : demain, pas de spécial Eurovision, pour un cru 2017 pas terrible, où l’anglais domine. Au pire, je voudrais la victoire de la Hongrie.