Cinéma - La La Land de Damien Chazelle (2016)
Ce fut le gros buzz à Hollywood surtout après l’oscar du meilleur réalisateur de Damien Chazelle. Et comme le film musical, c’est mon truc, j’avais à la fois de l’angoisse et de l’envie. J’ai malheureusement dû tarder à le voir et ce n’est pas plus mal.
Je n’ai lu aucune autre critique, mais j’arrivais avec l’idée d’un film surcoté, comme le très moyen The Artist. Et je ne vais pas ménager trop longtemps le suspens : Il l’est… surcoté. Et en même temps, ce n’est pas ce que l’on croît, d’où cette chronique.
L’histoire : Une serveuse voulant devenir actrice et un pianiste de jazz voulant ouvrir son club, se rencontrent autour de quelques notes de musique, après des désillusions. Un couple se forme avec une volonté partager de réussir pour leur art. La première se lance dans un one woman show, le second se corrompt dans une tournée lucrative. Mais le couple peut-il tenir avec l’éloignement ?
Dès l’introduction, on sait qu’on va avoir un film musical. La scène de danse dans l’embouteillage est joliement filmée, mais il me manque déjà la folie, qui arrive seulement avec l’orchestre. Le chant manque de punch, la danse aussi, pour moi qui suit habitué aux films de Minelli, Donen, pour ne citer qu’eux. Et lorsque je vois que Chazelle cite les films de Demy (les parapluies de Cherbourg, les Demoiselles de Rochefort), je comprends alors. Effectivement, la découpe des chansons se rapproche de ce qu’a fait Michel Legrand. Il n’y a pas vraiment de refrain, mais un joli thème autour duquel on raconte une histoire. C’est aussi déroutant que l’original mais ça passe mieux en anglais, mais comme il cite aussi le Top Hat de Mark Sandrich, je me dis que je devrais y trouver mon compte.
Mais il y a le casting. Emma Stone n’est pas Ginger Rogers, mais surtout Ryan Gosling est très, très loin de Gene Kelly ou Fred Astaire. Vocalement, ça reste timide et coté danse, c’est lourdaud. Emma Stone a ce charme de girl next door et une grace supérieure, qui la sort du lot. Pour le reste, il n’y a pas grand chose à dire puisque l’essentiel des chansons est centré sur ces deux personnages. Chazelle marque donc une grosse différence d’avec ses ainés et c’est là que je me dis que ce n’est pas un film musical. La musique n’est là que pour la forme, car le film raconte autre chose. Il parle d’Hollywood, Chazelle faisant dire à son personnage de Sebastien (le pianiste), qu’Hollywood se souvient mais n’a aucune estime pour son passé. L’estime, il la montre à travers beaucoup de clins d’oeil cinéphiles, mais qui sortent aussi du domaine musical.Voilà qui flatte toujours le critique….
Chazelle ne fait pas non plus une romance, car le film tire trop en longueur. Il y a bien deux moments de grâce qui font penser à des classiques musicaux du genre (je vous laisse les trouver). Chazelle a un indéniable sens de l’image en jouant avec le cadrage et les couleurs. Mais il n’est pas un scénariste de romance, même si la trame est classique : Ils se détestent, se découvrent, s’aiment, se trahissent…La fin, vous la découvrirez. Chazelle a fait un film sur les artistes qui veulent percer à Hollywood. Il parle de ce qu’ils doivent sacrifier, ils parlent autant à ceux qui ont réussi et se retournent alors sur leur passé, qu’à ceux qui souhaitent réussir et ne savent pas comment. Il parle à la fois de la chance qu’il faut, mais aussi de l’énergie qu’il faut déployer ou bien encore des compromis qu’il faut accepter. Chacun des personnages incarne ces différents “moyens”. On comprend alors pourquoi cela aurait dû être son premier film avant Whiplash. Chazelle est plus musicien que metteur en scène de film musical. Malgré sa passion, il lui manque l’oeil du danseur, du chorégraphe. Il ne fait que plagier des classiques, même s’il le fait très bien.
Avec ce constat, le film peut décevoir. J’ai l’impression qu’il flatte le milieu dont il est issu mais oublie les fans des genres qu’il emprunte. Comme je pense aux meilleurs films musicaux, je suis déçu car je n’ai pas de scène qui sort vraiment du lot sans me rappeler autre chose, de mieux. Le propos du film me paraît brouillé par ces hésitations et ce manque de folie. Mais pour ceux qui n’ont rien vu de tout ça, et qui sont pourtant sensibles à la poésie du genre, à la sensibilité d’une comédie romantique, ça peut fonctionner. Par rapport à The Artist que je citais, cela fait moins dans l’esbroufe (oh, c’est un film muet!, cool). Le réalisateur est talentueux dans sa mise en image et n’a pas volé son oscar, quand même. Emma Stone n’a pas volé ses prix (C’est Bérénice Béjo qui aurait dû l’avoir, pour moi, dans le couple de The Artist) car elle dévoile un joli talent à se fondre là dedans, pour ceux qui doutaient encore d’elle. Maintenant, l’histoire fera le reste et on ne reparlera peut-être pas tant de ce film, mais des suivants de ce réalisateur doué.