Histoire - Ho Chi Minh de Pierre Brocheux (2007)

L’oncle Ho ou Ho Chi Minh est une figure incontournable au Vietnam. Mais derrière la légende intouchable, il y avait un homme qu’il est difficile de connaître, tant les écrits sont peu nombreux. Le livre de Pierre Brocheux tente de faire la synthèse et de savoir qui était Ho Chi Minh, dictateur ou bienfaiteur?

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Il faut resituer d’abord Ho Chi Minh pour celui qui ne connaît rien au Vietnam. Tout d’abord Ho Chi Minh n’est qu’un nom parmi d’autres que s’est donné Nguyễn Sinh Cung ou Nguyen Tât Thanh, né en 1890 dans ce que l’on appelle alors le Nord Annam. Car le Vietnam est un pays fruit d’une longue histoire, surtout la domination chinoise, de révoltes et guerres d’indépendances, mais qui est alors colonisé par les Français et divisé en trois régions : L’Annam au centre avec sa capitale impériale Hué, le Tonkin au nord et la Cochinchine au sud. Malgré cela, un fort sentiment nationaliste existe et survit du 19ème jusqu’au début du 20ème siècle. Le père de Nguyen Tât Thanh est un mandarin, lettré mais sera déchu de son titre, ce qui va marquer le jeune homme. Après des études dans la capitale impériale, il parcourt le monde, dès sa majorité acquise, même s’il fréquente déjà des idéologies nationalistes. Cela va alors le rapprocher d’autres idéologies comme le communisme, mais aussi le confronter avec d’autres réalités que celles de son propre pays, d’autres cultures. Brocheux s’emploie à montrer ce qui a forgé la personnalité de celui qui se fait alors appeler Nguyen ai Quoc (Nguyen le patriote). Au sortir de la première guerre mondiale, il écrit dans les publications communistes françaises et part à Moscou dans les années 20.

Il suit alors les formations de l’internationale communiste (Komintern) mais j’arrête là sur les détails historiques. En effet, c’est la personnalité de Hô qui est intéressante car il ne cesse de vouloir enseigner aux autres, d’éduquer et pas seulement la ligne du parti. L’image de “père de la nation” vient sans doute déjà de cela. Mais c’est aussi un séducteur, un diplomate, un homme à femmes d’une certaine manière mais aussi un manipulateur politique qui tente de faire son chemin dans cette époque particulièrement complexe. En effet, en dehors de la colonisation française, il faut prendre en compte la montée du Japon et son influence panasiatique, les révoltes en Chine et la lutte entre nationalistes et communistes (qui aboutira à la cission et la séparation Chine Populaire / Taiwan). Il faut évidemment prendre en compte la lutte entre la Chine et la Russie qui ne sera véritablement importante qu’après 1950 lorsque la Chine communiste prendra son essor. En comprenant cela, et en rappelant les emprisonnements de Hô, on comprend la complexité de sa personnalité.

Il est acteur, aime jouer des rôles devant ses interlocuteurs, se travestir même. Bien que la biographie ne soit pas quelque chose de très asiatique, il forge sa légende dans des écrits sous des pseudonymes. Mais surtout il maneuvre dans des jeux d’alliances entre les grandes puissances de la région avec un but dans sa tête : L’indépendance de son pays. Brocheux examine même l’hypothèse selon laquelle il serait plus nationaliste que communiste. Je ne vous dévoile pas ici sa conclusion. Plus intéressant encore, il examine la position de Ho lors des purges et exécutions effectuées dans les dernières années de sa vie (il est mort en 69, avant de voir la réunification de son pays indépendant). Coincé entre les influences étrangères, la prise de pouvoir d’une ligne dure du parti, son action était visiblement guidée par le résultat, par la victoire finale. Il apparaît clairement que Hô était finalement prisonnier de lui même et écarté des décisions du parti.

L’ouvrage de Brocheux est un synthèse, assez courte à lire, mais qui se positionne factuellement, par rapport à des biographies littéraires comme celle de Jean Lacouture, et bien loin des propagandes que l’on trouve aujourd’hui dans les librairies vietnamiennes. On s’éloigne alors du manichéisme qui tend à classer les personnages historiques dans le bien ou le mal. Mais surtout, cela permet au lecteur de se poser à lui même la question essentielle : Qu’aurais-je fait moi même ? Ho Chi Minh restera une figure aussi symbolique que d’autres “libérateurs”, mais bien différent d’un Castro, d’un Guevara ou d’un Lumumba, pour ne citer qu’eux.


Ecrit le : 23/03/2017
Categorie : litterature, tourisme
Tags : 2000s,biographie,colonisation,guerre,histoire,hochiminh,LittératureetBD,vietnam

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