Blog - Du droit de bloguer
Hier, je lisais le dernier billet de Korben (oui, il lui arrive encore de dire des choses intéressantes…) et j’étais effaré qu’un type comme lui reçoive des commentaires de l’ordre de ceux qu’il affiche dans l’article.
Il y a longtemps, j’avais suivi son compte twitter donc je sais qu’il lui arrive de parler d’autre chose que de ce qui touche à l’informatique au sens large. Il le fait ailleurs que sur son blog comme n’importe quel citoyen, finalement. Il vote (ou pas, c’est son droit…), il a ses opinions. Mais apparemment, ça dérange et on lui dit gentiment de se contenter de parler de “ce qu’il connaît”. Que sait-on de ce qu’il connaît? De quel droit se permet-on de censurer cette personne, surtout quand la plupart des autres twittos n’ont pas plus de légitimité, et souvent moins quand on voit le niveau intellectuel. On touche évidemment à la liberté d’expression mais à un mal un peu plus profond que ça.
Prenez des comptes youtube un peu à la mode qui parlent de sujets techniques. On a, par exemple, Nota Bene, qui parle d’histoire et qui est fait par une personne qui n’a pas forcément un CV d’historien. Et pourtant c’est sa passion, ça se sent, c’est bien fichu et il peut naviguer sur des sujets périphériques si ça lui chante. On peut arrêter de le suivre aussi, comme on arrête de regarder une émission de TV. Et pourtant il a déjà eu quelques ennuis lorsqu’il a été voir des sujets qui titillent l’extrême droite au bas de la colonne. Car pendant que l’on tolère gentiment des “Valeurs actuelles”, “Rivarol”, “Minute” et autres sites de pseudo-information, les fans de ce genre d’extrême (il y en a de l’autre coté), ne se gênent pas pour diffuser des monceaux de contre-vérités. J’en ai été le témoin encore cette semaine en écoutant des collègues me parler de la fille d’Edwy Plenel (cf Hoaxbuster pour comprendre) ou de je ne sais plus quelle connerie conspirationniste, abusés par des rumeurs, des posts de face de caprin, etc… Et même après avoir prouvé le contraire, l’idée fausse reste ancrée. Après tout, on a bien des attentats fictifs en Suède. J’ai cessé d’avoir des commentaires haineux sur Icezine (car fermés) et j’en suis assez content car j’ai vraiment d’autres choses à penser. Et si j’avais fait un site à part pour la politique, c’est justement parce que l’on range chacun dans une case et on n’accepte pas qu’il en sorte…Mais si on suit cette logique, on pourrait supprimer le droit de vote parce que les gens n’y connaissent rien. Ah, c’est ce qu’ils veulent après? ….
Mais il y a des jours où je regrette de fermer ma gueule. Tenez hier j’entendais le maire d’une commune de la Réunion qui appelait à massacrer les requins parce qu’un gamin inconscient est allé faire du bodyboard dans une zone interdite de baignade et s’est fait manger comme un phoque. Les réunionnais (3 de mes collègues + un copain d’enfance en tout cas) connaissent bien les risques et les zones. On sait par ailleurs que des centaines de millions de requins sont massacrés chaque année contre quelques dizaines, voir moins d’une dizaine d’humains. Ca c’est un fait qui ne se discute pas mais on l’entend moins. Bon, là je l’ai glissé dans cet article mais on pourrait me dire que ce n’est pas mon rayon, me dire de me contenter de parler de logiciel libre, de jeux vidéos ou autres choses bien inoffensives. Je n’ai pas non plus envie d’aller guerroyer sur les réseaux sociaux au milieux de gens qui seraient bons clients de la noble profession de psychiatre. Mais c’est sur que faire des blogs lifestyle en testant la dernière Louboutin ou la dernière recette de biscuit Lu, c’est tellement plus facile… et lucratif.
Je revendique justement le droit de chacun de bloguer sur ce qu’il veut, comme il veut… ou presque. Bah oui, il faut que ça évite l’insulte gratuite tout de même, sinon, autant aller se fritter sur un réseau social. C’est justement là toute la différence entre l’immédiateté et le texte paisiblement mitonné, retouché, relu. C’est aussi la différence avec une vidéo, même préparée, qui peut faire mal (cf Bonjour Tristesse sur Youtube), mais qui reste un instantané, non éditable, en tout cas pas sans que ça se voit. Il peut m’arriver de dire des bêtises, de me faire reprendre ou qu’une vérité d’hier ne soit plus valable aujourd’hui. Tout ça se corrige, du moins quand on n’a pas l’égo trop prononcé. Il peut m’arriver de parler d’une passion un peu éteinte, de choses que j’ai apprises par moi-même par expérience, lecture, en dehors d’un cursus scolaire. Qu’importe… Je ne demande pas (et je devrais peut-être :p ) à chaque intervenant d’une émission de (faux)débat de justifier d’un pédigré complet. Je le juge sur ce qu’il dit, voir sur ce qu’il a dit par le passé. Et si je ne le juge pas pertinent je cesse de l’écouter. Ce n’est pourtant pas l’envie qui me manque d’interdire de parole des types aussi corrompus et charlatanesques que le Dr Cohen qu’on voit partout dès que ça parle nutrition.
Alors évidemment, le problème est que tout le monde n’a pas pleinement son libre arbitre. Et l’information facile et bruyante masque l’information compliquée et technique. Par exemple, je lis des critiques sur la position Keynesianiste de Melenchon (épargnez moi le débat ici, je ne le défendrais pas) et on simplifie une présentation de 5h à des sommes de dépenses de l’état alors que c’est autrement plus complexe et mathématique que cela, avec des variables multiples, donc criticables. Malgré des articles parfois détaillés et didactiques, la plupart des commentaires s’arrêtent… À 2 chiffres ou à une image du personnage (qui l’a aussi un peu cherché par le passé). Et parallèlement, les mêmes questions ne s’appliquent pas à d’autres. Bon, la boucle est bouclée, je suis parti de la politique pour y revenir. Mais c’est aussi pour parler de la nécessité de l’éducation, comme le rappelle ma brillante consoeur Agnès. Car finalement, si la vidéo a tendance aujourd’hui à remplacer l’écrit, c’est aussi pour un problème d’éducation, l’image étant aujourd’hui bien plus facile d’accès que l’utilisation des mots, en écriture ou en lecture. Je parlais bien de droit de bloguer, pas de capacité à le faire, ce qui fera rire ceux qui ont connu les skyblogs. N’empêche que pour certains, le droit proviendrait d’une capacité selon des critères fixés par eux même. Donc si Cascador veut parler de botanique, si Cyrille parle de macramé, si Alias parle de peinture sur corps et si Olivyeah parle de poterie, ou Fred de cuisine mésopotamienne, pourquoi pas? (pardon pour les autres, …) Tant que ça reste intéressant et que je ressens cette envie de partager (non, pitié pas Made for Sharing) ou débattre. Mais comme dirait l’autre, “et l’humain dans tout ça” ? Il suffit d’en réunir un peu trop pour que ça soit le bordel. Dans ce forum géant qu’est devenu internet, régulé par l’arbitraire des GAFAMT*, on ne voit finalement ressortir que le problème d’un trop grand regroupement, déjà théorisé par les philosophes sur la nature humaine. Et si Korben se voit obliger de dire cela, cela vient aussi du succès qu’il rencontre. On pourra alors débattre du fait de centraliser ou décentraliser les discussions, les commentaires, d’être actif plutôt que passif via une notification… Un débat sur le débat, ha ha. Pour ma part, mon choix est fait, vous l’aurez compris : Je fais ce que je veux, quand j’en ai envie.
*: je rajoute twitter aux autres dans le sens idéologique du service et parce qu’il sera racheté plutôt que mort.
P.s.: Le site de l’hebdomadaire moribond Marianne “réorganise” ses blogs…comprendre ferme des blogs politiques. Censure déguisée?