Cinéma - Chez nous de Lucas Belvaux (2017)
Le réalisateur belge Lucas Belvaux s’attaque ouvertement à la montée de l’extrème droite dans un film qu’il ne dit pas militant. Et pourtant, à qui s’adresse-t-il ?
Je ne vais pas ici faire de diatribe anti ou pro-FN comme cela a été le cas jusque sur la fiche Wikipedia (que j’ai corrigée d’ailleurs …). Je vais plutôt tenter de comprendre l’intention de l’auteur et savoir s’il a réussi. Pour rappel, Lucas Belvaux nous propose de suivre Pauline, une jeune infirmière à domicile, mère célibataire dans un village du Nord de la France. Un jour, son médecin de famille, ancien candidat d’extrême-droite, lui propose d’être candidate à la mairie pour la parti Rassemblement National Populaire. Ce parti est dirigé par la fille du leader du Bloc National mais cela reste un problème pour la fille d’un militant communiste qu’est notre infirmière. Elle retrouve parallèlement un ancien d’ami d’enfance, dont elle a perdu la trace depuis 20 ans et dont elle tombe amoureuse.
Mené par une Emilie Dequenne toujours aussi pertinente dans son jeu, le film se veut une peinture d’une réalité sociale. Ce faisant, il prend en exemple quelques personnages, ceux que rencontre Pauline. Ils sont pour la plupart agés, touchés par une relative misère mais ce n’est pas ce qui saute aux yeux. La première partie du film aurait tendance à donner une vision du monde renforçant les propos que nous sert le FN en France, c’est à dire l’impression que l’on délaisse cette ville, souvent déserte, l’insécurité et un repli communautariste. C’est pour mieux montrer la lente adhésion de l’héroïne. On parle moins de chômage, de l’absence de services publics, de l’absence de police, etc…La peinture s’attache finalement plus aux failles de l’héroïne, mais aussi de ses amis, comme de cet adolescent qui ne vit que sur Internet, ou les deux amies aux avis politiques totalement opposés et irréconciliables.
Le spectateur est omniscient. Il sait très tôt qui est “Stanko”, le petit ami de Pauline. On y oppose la violence de ses actes à la douceur de ses gestes envers Pauline, comme pour montrer que sous des dehors respectables d’éducateur se cachent les pires choses. C’est aussi le cas pour le personnage du médecin, joué par un André Dussolier fidèle à lui même. Il est le notable, celui que l’on imagine aider les autres et qui pourtant propage son discours avec intelligence, sans esquisser de haine. Il connaît Pauline et ses failles et les utilise. Le spectateur est donc témoin de cette manipulation, presque complice. Lucas Belvaux nous donne envie de crier à Pauline qu’elle fait fausse route avec Stanko, car nous savons de quoi il est capable. Elle est presque comme l’innoncente compagne d’un tueur en série qui ignore qu’elle peut-être dévorée par la bête. Mais ici, la bête, c’est ce parti.
Je ne vous dévoilerai pas la fin du film, évidemment. Mais se posent deux questions : La première est de savoir qui ira voir ce film en pleine campagne des présidentielles, au moment où l’on parle plus de scandales que du fond. La réponse me paraît claire : Des gens politisés et de gauche qui y cherchent peut-être des explications. La seconde est de savoir si les spectateurs trouveront les réponses qu’ils viennent chercher. A cela, je répondrais non. Le film s’attache non aux racines “du mal”, mais à dévoiler les manipulations d’un parti, la recherche de respectabilité qui y a cours. Mais on a l’impression finalement que le réalisateur n’entend pas vraiment ses propres personnages dans leurs cris de détresse.
Pourrait-on dire alors que c’est un mauvais film? Non, ça n’est pas vrai. S’il rate peut-être sa cible, il est pourtant très juste dans sa description des situations, au delà des quelques clichés quasi obligatoires dans cet objectif. J’ai retrouvé ces petits discours lancinants que j’entends autour de moi tous les jours. J’ai retrouvé aussi cette angoisse à voir dériver des jeunes qui n’ont pas conscience de notre histoire, qui n’ont encore rien appris de nos aïeux et sombrent dans des excès. Belvaux ne s’attaque peut-être assez aux causes mais plus aux conséquences mais il le fait bien. A tel point qu’on lui reprochera d’utiliser la même arme que ceux qu’ils dénoncent : La Peur. Pas indispensable, donc, mais à voir.