Automobile - bye bye Australia !
Cette information est passée un peu inaperçue, pendant les 3 ans que le démantèlement a commencé, mais en 2017, plus aucune voiture ne sera fabriquée sur le territoire australien. A travers cela, il faut aussi voir les changements de politique économique en Asie-Pacifique.
Depuis 2013-2014, GM, Ford et Toyota ont annoncé et effectué la fermeture de leurs usines respectives (Holden pour GM). C’est 110 ans d’histoire qui disparaissent. Dans un marché récemment dominé par le groupe Hyundai-Kia (qui n’a aucune usine sur place), ainsi que Toyota, il n’est plus rentable de construire sur place pour alimenter ce marché de plus 1,16 millions de véhicules/an. Le coût du transport et des barrières douanières n’apparaît pas important dans le prix de vente du véhicule. Ce sont 4500 emplois directs qui disparaissent, mais aussi probablement des dizaines de milliers d’emploi indirects.
la Holden Ute disparaît enfin
L’Australie paye pour plusieurs facteurs. Le niveau de rémunération était relativement important dans ce secteur par rapport à la concurrence du sud-est asiatique. D’autre part, les modèles australiens ont longtemps eu des spécificités qui les rapprochaient plus des voitures américaines que des productions asiatiques et européennes. Elles étaient ainsi difficilement exportables. Le tissus industriel des fournisseurs n’était pas le plus compétitif non plus et la pression des constructeurs les fait délocaliser, ce qui n’offre plus les mêmes garanties pour une production en flux tendu. Aujourd’hui, le marché australien est transformé et plus standardisé qu’auparavant. Finies les voitures aux gros V8 (à part un gros 6,2l anachronique) , et les Ute, ces étranges berlines pick-up spécifiques à ce marché. Aujourd’hui ce sont des Opel européennes ou des Chevrolet coréennes qui sont dans les showrooms d’Holden. Ce sont plus des Corolla que des Camry américaines qui sont dans les garages Toyota.
l’Holden Monaro dans son édition Bathusrt, du nom du circuit mythique
Mais en quoi cela nous concernerait finalement, nous européens ? Un concurrent de moins ? De la même manière, PSA a aussi abandonné le marché très spécifique (par un jeu de spéculation complexe) de l’Afrique du Sud où il construisait en** CKD** (on fait venir la voiture en pièces détachées puis on la monte sur place). D’autres constructeurs pourraient suivre sur ce marché qui stagne et ne permet pas de faire mieux que l’import direct dans les pays du sud du continent africain…les constructeurs chinois ouvrent pourtant des usines sur place. Seuls les marchés du sud-est asiatique sont intéressant pour le CKD, du fait de … barrières douanières importantes qui doublent le prix des véhicules. Autrement dit, le poids des barrières douanières joue directement sur l’avenir de filières et de l’emploi. Mais il ne suffit pas d’augmenter les taxes à l’entrée. Il faut aussi que le marché soit jugé dynamique, avec une marge de progression. Le Vietnam, par exemple a une marge mais tempère sa progression à travers des taxes, histoire de mettre à niveau ses infrastructures. A cause de cela, la construction en CKD a été menacée et Toyota qui représente plus de 50% du marché a fait pression sur le gouvernement pour relancer le marché.
Aujourd’hui, le marché Européen a de faibles marges de progression et elles sont surtout à l’est. La Russie est temporairement hors du coup, mais beaucoup de constructeurs gardent leurs usines sur place dans l’espoir de la reprise (Mercedes y ouvre même une usine). Les accords sociaux sont dictés par les constructeurs, comme on a pu le voir pour Renault, Smart ou PSA Group avec les possibilités de la loi travail française. Le chantage est de menacer de délocalisation ou bien de gagner en “compétitivité” (augmentation des cadences, par exemple) pour garder de l’emploi, mais sans que les règles et les salaires soient les même que chez les concurrents. C’est une spirale infernale qui rappelle la situation du milieu du 19ème siècle, comme le rappelle Thomas Piketty dans son “Le Capital au XXIème Siècle”, pavé incontournable pour l’amateur d’histoire de l’économie et de statistiques économiques, au délà même de toute croyance.
Si à travers cet article sur l’Automobile australienne, je fais une incursion en politique, c’est aussi pour parler de l’avenir de cette filière automobile plus largement. Si la Belgique a souffert de la disparition d’usines, comme l’Italie aujourd’hui, et même l’Allemagne (Opel à Bochum), cela ne sera pas fini et la France, malgré les petits arrangements, n’est pas à l’abri, tout comme l’Espagne ou le Portugal. En tout cas, il faut se dire que l’emploi dans ce secteur pourrait être divisé par deux dans l’état actuel des échanges commerciaux possibles. Je ne me ferai pas le promoteur du protectionnisme ou de l’ultra-libéralisme, mais d’un coté comme l’autre, il faut se garder des dogmatismes et regarder du coté du long-terme, une valeur peu compatible avec la finance d’aujourd’hui.
Holden Belmont sedan 1974…oui, elle a mon age
Qu’importe que le championnat Australian V8 Supercars n’ait plus vraiment de sens commercial (il a perdu son acronyme V8 l’année dernière). Oui, ce ne sont que des bagnoles qui disparaissent, des trucs qui polluent. Mais justement, ces disparitions ne vont pas dans le sens de l’histoire, dans la diminution des transports de marchandises polluants, des accords (hum) de la COP21… sans parler des conséquences sociales. L’Australie subit parallèlement des accords de libre-échange et des flux migratoires qu’elle réprime avec violence. Pour un pays-continent qui représente encore pour beaucoup un rêve d’aventure, cette disparition a aussi valeur de symbole. (photos Wikimedia)