Musique - Yann Tiersen - Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain (2001)
Si le film de Jean-pierre Jeunet n’est pas musical, son succès doit beaucoup à la musique envoutante de Yann Tiersen.
Au point qu’on pense plus au film quand on entend du Yann Tiersen qu’à ses oeuvres précédentes. Un comble pour ce brestois, d’être accolé à l’image très montmartroise du film! Multi-instrumentiste, Tiersen est très lié au cinéma par des bandes sons réalisées très tôt, mais aussi pour le théatre. Mais si son nom gravite autour de la nouvelle scène rock de l’époque, autour de gens comme Dominique A. ou Les Têtes raides, la consécration publique n’arrive pas encore dans cette fin des années 90. Jusqu’à ce qu’un certain Jean-Pierre Jeunet ait envie de ses services.
Tout le paradoxe de cette bande son est qu’elle n’est pas originale mais reprend des titres des précédents albums de l’artiste. Et pourtant l’ensemble paraît totalement cohérent. Ainsi le premier titre, “j’y suis jamais allé”, date du Rue des cascades sorti 6 ans plus tôt. Est-ce l’accordéon qui rend cette atmosphère très rétro et parisienne ? Ou bien encore le son façon boite à musique qui donne ce coté enfantin et nostalgique? En tout cas, cela s’enchaîne parfaitement avec “Les jours tristes” de l’album L’absente sorti quelques mois plus tôt (2001). Il y a en effet un goût de la mélodie tout autant que du son d’instruments qu’on a rangé très souvent dans la ringardise. Avec Tiersen, ils semblent prendre une nouvelle vie, de l’ampleur, comme ces cuivres qui répondent aux violons et à l’accordéon. Cet accordéon est le coeur même de l’album, surtout sur la “Valse d’Amélie” morceau original qui nous fait virevolter sur les pas de l’héroïne. Et dire que Jeunet a découvert l’artiste par hasard avec une cassette d’un stagiaire! Mais Tiersen sait aussi nous émouvoir avec quelques notes de piano, comme dans cette “Comptine d’un autre été : l’après midi.” Ce coté épuré le rapproche paradoxalement du talent de Joe Hisaishi, bien qu’il utilise beaucoup moins les silences.
“La Noyée”, issu de l’album Le Phare reste apparenté à la valse de l’héroïne. Au point qu’il s’enchaine avec cette autre valse plus lente, plus grave mais toujours avec ces sons caractéristiques. On trouve aussi ce clavier particulier, les Ondes Martenot, sur “A quai”, par exemple. Mais il y a aussi ces quelques notes dans “Le Moulin” qui rompent l’ambiance tout en l’installant. C’est justement ce que l’on recherche dans une musique de film et ce que cherchait l’orfèvre Jeunet pour qui rien n’est laissé au hasard. Il va jusqu’à reprendre un titre du premier album de Tiersen, obtenir des variations sur le thème de la valse. Le choix d’un titre de Fréhel n’est évidemment pas un hasard puisqu’elle symbolise Paris et sa gouaille….tout en étant d’origine bretonne. Et même quand Tiersen semble s’éloigner de ses instruments comme dans “Soir de Fête”, il y revient par l’accordéon. L’ensemble aurait pu devenir une compilation de Yann Tiersen avant l’heure mais par l’entremise du film, les morceaux prennent une deuxième vie, s’articulent les uns aux autres. D’ailleurs Tiersen ne considère pas cela comme une bande originale de film, comme il a pu en composer par ailleurs. La Valse, omniprésente, termine en beauté cette parenthèse temporelle.
Yann Tiersen atteint une consécration internationale qui le fait écrire des musiques de films (Good Bye Lenin!), ou des projets plus intimistes. On le retrouve avec l’autre breton Christophe Miossec, avec ses comparses du passé, toujours proche de sa bretagne. Le succès de cette bande originale atypique ne lui aura pas fait tourner la tête comme peuvent le faire les valses. Il lui aura juste permis d’explorer encore plus librement sa musique. Mais pour le spectateur, elle a installé ses notes de musique dans l’inconscient collectif. A se demander même parfois si Amélie n’aurait pas trop eclipsé son auteur.