Musique - Renaud - The Very Meilleur of Renaud (1995)
A l’heure où Renaud revient en grâce et en forme, il n’est pas inutile de se pencher sur la carrière du bonhomme. Une fois n’est pas coutume, c’est à travers une compilation que nous le ferons.
Passons rapidement sur l’enfance de Renaud, né à Paris 14ème, dans une famille nombreuse, mi artiste, mi bourgeoise, bien qu’ouvrière du coté de sa mère. Peu attiré par les études, il est dans les milieux militants d’extrème-gauche ce qui l’amène à participer aux évènements de Mai 68, à découvrir la chanson sur le tas, et le tard, mais il pense plus à la comédie. Il joue pourtant de la guitare avec un accordéoniste de ses amis et se fait remarquer par un certain Paul Lederman, qui lui fait faire la première partie de Coluche. C’est finalement les incontournables Jacqueline Herrenschmidt et François Bernheim qui le repèrent pour Barclay. Nous sommes en 1975 et le chanteur de 23 ans a un discours plutôt engagé et même agressif comme les titres “Hexagone” ou “La société tu m’auras pas” en témoignent. Il manque “Camarade Bourgeois” pour montrer le Renaud de l’époque. C’est l’échec coté ventes! Renaud change de disque, de look et passe pour le loubard de service. 1977 est la sortie de “Laisse Béton”, avec un univers folk imagé qui va chercher son inspiration dans la banlieue parisienne plutôt que le Paris de son enfance. La compilation retient également “la chanson du loubard”, mais aurait pu se pencher sur “Les Charognards”, qui même aujourd’hui fait polémique. C’est pourtant le single éponyme de l’album qui maintient Renaud dans la lumière. Renaud enchaine sur “Ma Gonzesse”, toujours un peu loubard mais le loubard amoureux. On grandit peu à peu avec lui, on le suit dans sa vie, bien qu’il conserve son style musical héritage de Dylan, qu’il admire. Mais surtout il poursuit dans le filon du voyou au grand coeur avec “Marche à L’ombre en 1980”. C’est toujours la Banlieue qui l’inspire, autant par les bastons de bars que pour les HLM ou le fameux Gérard Lambert. C’est la Banlieue rouge même, comme il le précise dans son album suivant. Il promet alors encore de ne pas être attrapé par le système, la bourgeoisie… ce qui le minera. Il s’assagit pourtant avec la paternité, qu’il exprime dans “Morgane de toi”, sur l’album du même nom. On conserve la même base folk banlieusarde mais ça devient plus pop. Mais il a envie de sortir de ce microcosme parisien qui le critique ou l’adule. Il voyage, enregistre aux USA, découvre la mer qu’il avait déjà aimé avec Hugues Aufray. En 1986, il sort un petit chef d’oeuvre, “Mistral Gagnant”, chanson nostalgique et envoutante. Pourtant Renaud doute de lui même, ne se reconnaît peut-être plus dans l’image que renvoient les médias. Ce sont les années déprimes, la perte de son ami Coluche. En 1988, il sort “Putain de Camion” mais le ton n’est plus le même et le public ne suit plus forcément. Musicalement peu inspirée , c’est sa période la plus pauvre, la plus pop aussi. Petit à petit, le chanteur rentre dans l’anonymat d’une France musicale qui se cherche de nouveaux héros. Il écrit pour les autres, pour lui dans un album “Marchand de Cailloux” qui revient aussi sur ses déceptions politiques. Mais c’est dans le Renaud acteur pour le film Germinal, qu’il trouve un second souffle, rendant ainsi hommage à ses ancêtres mineurs. Il sort en effet un album en chti qui lui vaut un succès critique. C’est pourtant bien la fin d’une période en 1995, vingt ans après ses débuts. C’est cette première période de Renaud qui est retracée dans cette compilation, montrant à la fois le personnage tel qu’il était, avec sa vérité de l’époque mais aussi le pourquoi de ses combats, autant intérieurs que publics. Il reviendra par épisode, comme un Phoenix qui brûle de par ses doutes.
Il faudra attendre en effet “Boucan d’Enfer” en 2002 pur revoir un Renaud inspiré, notamment avec “Manhattan Kaboul”, qui est même reprise par une autre de ses idoles folk en concert, Joan Baez. Il se remet peu à peu de son alcoolisme auprès d’une nouvelle compagne mais après un album de ballade irlandaise, il dit perdre l’inspiration et sombre à nouveau. 2016 pourrait-être l’année d’une nouvelle résurrection. Pourtant, on ne peut être et avoir été et c’est bien le Renaud 1975-1995 qui a construit le Renaud d’aujourd’hui et demain. Son vieux démon de l’identité semble toujours le ronger et cette compilation aide à mieux comprendre qui est Renaud, au fond.