Géopolitique - Plus fort que TAFTA, le TPP !
Pendant que notre regard d’Européens est tourné vers le Brexit et que l’on veut enfin comprendre que l’accord transatlantique TAFTA n’est pas une bonne chose, les USA ont déjà largement changé d’objectif en se tournant vers l’Asie. La guerre, commerciale, est déclarée !
J’avais déjà parlé récemment du Vietnam et des autres signataires dans un précédent article. Il se trouve que les développements économiques et géostratégiques dans ces pays du sud-est montrent un parallèle intéressant avec TAFTA et l’ALENA d’un coté, mais aussi la politique de conquête de l’Amérique du Sud dans les années 60-70. S’agissant d’un accord de libre échange, l’Accord Trans-Pacifique de partenariat (Trans-Pacific Partnership) est très ressemblant avec les autres accords comme l’ALENA. Il vise à faciliter les exportations US dans de nouvelles zones, l’établissement de manufacture à bas-prix, l’importation préférentielle de matières premières et denrées de base. Pour les signataires, on fait miroiter des ouvertures vers des marchés à forte valeur ajoutée. Le Mexique peut parler du résultat, comme le rappelle par exemple Lori Wallach. Pourtant le candidat Donald Trump ne semblait pas convaincu se ses bienfaits.
Il semble que ces leçons du passé ne suffisent pas. Il faut dire aussi que les Etats-Unis arrivent dans un contexte géopolitique et géostratégique très particulier. La Chine poursuit une politique d’expansion agressive, tant dans les iles Senkaku, que les Spratley et les Paracels. Philippines, Taiwan, Japon, Vietnam se trouvent sans alliés puissants et cèdent donc plus facilement à des accords mélant commerce et défense. Les Phillipines n’ont pas signé cet accord et le nouveau gouvernement Duterte, nationaliste, semble vouloir renégocier les accords de défense avec les USA, tout en voulant récupérer les Spratley. Nous sommes loin du gouvernement pro-US de Benino Aquino, mais cela pourrait montrer aussi une autre voie dans cette région où les nationalismes restent très présents. Le rôle de l’ASEAN (association des nations d’asie du sud-est, regroupant Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei, et aujourd’hui Vietnam, Laos, Birmanie et Cambodge) n’est pas à négliger. Cette association de pays s’opposant initialement au bloc communiste, a basculé peu à peu dans une coopération économique (projet AFTA) mais aussi défensive. Elle est devenue un partenaire privilégiée des USA ces dernières années. Le Japon, qui est en dehors de cette association, reste le phare économique de la région et son adhésion au TPP était crucial. Restent l’Australie (et plus minoritairement, la Nouvelle-Zélande) qui se veut aussi dans l’ASEAN, et le Mexique qui cumule ALENA et TPP et s’enferre en tant que “banlieue économique” des USA. Cet amalgame d’accords défensifs et économiques construit peu à peu un bloc dont la Chine est absente.
Mais c’est dans la politique économique de ces pays qu’il semble y avoir basculement progressif. Plus que sur le libre échange, les Etats-Unis investissent de plus en plus dans des partenariats universitaires, comme ce qu’avaient connu l’Argentine ou le Chili dans les années 60. Aujourd’hui ce n’est plus l’école de Chicago qui est la tête de pont, mais on voit se multiplier, au Vietnam par exemple, de vastes plans d’éducation sponsorisés par les multinationales US (comme par exemple Microsoft, Google, …). L’université américaine au Vietnam, lancée sous l’égide de Bill Clinton, a ouvert cette année. Harvard et la Feds travaillent à l’ouverture de la Fullbright University comme le rapporte le Harvard Crimson. Le programme Fullbright, lié au département d’état états-unien, date de 1946 sous l’impulsion du sénateur Fullbright. Ce sénateur a oeuvré notamment contre le maccarthysme, contre la guerre du Vietnam et pour la création de l’organisation des Nations-Unies. Ce n’est donc pas un programme à vocation politique mais qui recherche bien l’excellence dans des domaines plus scientifiques qu’économiques. Mais il n’en est pas de même des programmes d’éducation de l’USAID, organisme d’état qui a déjà été mélé à des tentatives de coup d’état (cf Wikileaks au Venezuela) ou a poussé à l’implantation d’OGM. L’USAID aime mesurer l’impact de ses programmes et pas seulement économiquement.
Déja en 2012, l’IRSEM (institut de recherche stratégique de l’école militaire française) notait la stratégie des Etats-Unis en Asie du Sud-est comme “pivot régional”. Il faut dire que de l’autre coté, la Chine n’a de cesse de montrer sa puissance militaire, de développer son industrie spatiale, aéronautique et de défense. La diplomatie régionale de la Chine reste basée sur la menace et l’intimidation et le rapport de force s’installe depuis entre USA et Chine sur les différents fronts. La septième flotte américaine multiplie les exercices avec l’Inde, le Vietnam, le Japon. En dehors du moyen-orient et du conflit russo-ukrainien, c’est le principal centre d’opération, comme le montre le rapport mensuel de Stratfor. Avec un autre pole OTAN-Russie, il s’installe une double guerre froide qui pourrait ne faire qu’une si l’alliance Sino-Russe se conforte (par ailleurs, la Russie semble envisager de reprendre pied au Vietnam…). Cette alliance n’est évidemment pas seulement géostratégique, mais aussi économique, et il faut rajouter les nombreux projets d’oleoducs et gazoducs transitant par la Russie et ses Satellites, tout autant que par la Chine. Si l’on s”éloigne un peu de l’Asie du Sud Est, il ne faut pas oublier un autre géant asiatique, l’Inde, qui fait beaucoup parler d’elle sur le marché de l’armement. Ce n’est pas seulement vis à vis du Pakistan, dont nous avons vu le rôle joué aussi avec Russie et Chine dans un précédent article. C’est aussi pour se positionner comme pays influent dans la zone asie. L’Inde entend jouer son rôle en toute indépendance à court ou moyen terme, mais va se trouver courtisée pour se rapprocher d’une de ces deux aliances.
C’est dans cette optique que le TPP tend déjà à s’élargir au delà du pacifique, comme nous connaissons de multiples accords proches de l’esprit de TAFTA coté Atlantique. Economie et militaire n’ont jamais été aussi liés, aujourd’hui. Rester dans l’isolement ou l’indépendance, comme on voit certains pays le faire, reste pourtant une stratégie intéressante dans le cas d’un conflit potentiel. Ce sont souvent ceux qui ont joué une fausse neutralité, qui sont sortis grandis des guerres mondiales.