Cinéma - L'Attentat de Ziad Doueiri (2012)
Imaginez qu’un jour vous apprenez que votre conjoint est devenu un terroriste et s’est fait sauter avec une ceinture d’explosif. Voilà le postulat de l’Attentat, film de Ziad Doueiri sorti en 2012.
Le film est l’adaptation fidèle du livre du même nom de Yasmina Khadra (pseudo de l’écrivain algérien Mohammed Moulessehoul).
Amine Jaafari est un Arabe israélien qui a réussi, il a un bon travail comme chirurgien, est bien intégré en Israël et vit heureux avec sa femme, Sihem, d’origine palestinienne. Un jour, une femme kamikaze se fait exploser dans un restaurant bondé de Tel-Aviv. Amine a passé sa journée à opérer les nombreuses victimes de l’attentat. Plus tard, on l’appelle chez lui, en plein milieu de la nuit, pour lui demander de revenir d’urgence à l’hôpital, où on lui annonce que la kamikaze était sa femme. Après une phase d’incrédulité, Amine entreprend de comprendre le geste de sa femme, ce qui l’emmènera au cœur des villes palestiniennes ravagées par la guerre, dans les fiefs des terroristes et l’obligera à regarder en face un conflit qu’il avait réussi jusque là à ignorer, à être confronté à une logique qui lui est étrangère. Il voit la misère et l’humiliation que vivent ses concitoyens, des gens dépourvus de liberté et de dignité, que le désespoir pousse au suicide.
Avec un tel synopsis, on pourrait penser que le film prend parti pour la cause palestinienne. Mais le réalisateur libanais a l’intelligence d’équilibrer son propos. La première partie du film montre un héros parfaitement intégré dans la société israélienne, dans un hopital où ses collègues sont essentiellement juifs. Ils sont même bons amis et sa vie semble idyllique, si ce n’étaient les nombreux barrages à passer pour raison de sécurité. Et puis tout bascule, sans prévenir, sans le moindre signe avant coureur… Quoique. Le héros revient sur les pas de son épouse tout en subissant lui même le contre-coup de son acte, le regard changeant de son entourage qui ne le voit plus alors comme un médecin mais comme un arabe. Il est vu comme coupable d’un acte dont il se sait innocent.
Le voilà alors sur les traces de sa femme dans les territoires occupés, remontant le fil de ses relations, rencontrant ses amis, ses parents …. jusqu’à ceux qui ont commandité l’attentat. Sa femme n’est pas musulmane, mais chrétienne (un pourcentage non négligeable de palestiniens le sont). Et pourtant, c’est bien un groupe terroriste islamiste qui a fournit les explosifs. Notre héros découvrira que parfois les frontières entre religions tombent et que face à une oppression, les manipulations sont les mêmes, quelque soit le dieu. En bon élève de l’intégration, il s’aperçoit aussi qu’il ne connaît pas la vie dans les territoires occupés, protégé qu’il était dans son univers bourgeois. Il n’est pas palestinien, mais n’est plus un israélien à part entière non plus. Et en découvrant cela, il voit qu’il ne peut être neutre dans ce conflit, lui qui avait toujours tenté de l’être. La vie lui demande de choisir comme elle a demandé à sa femme de choisir, elle qui ne supportait finalement pas cette vie loin de ses racines. Elle ressentait plus fortement ce fossé qui la séparait toujours du reste de la société israélienne, celle d’être une arabe israélienne ou une palestinienne.
Si l’on transpose ce film en dehors de la société israélienne, on retrouve des éléments en commun avec “nos terroristes”, ces jeunes qui ne se sentent plus acceptés dans une société qui ne leur donne rien comme espoir. Aujourd’hui c’est une forme fondamentaliste de l’islam qui répond à cela. Demain, ce peut être une secte, un autre groupe fondamentaliste employant les mêmes méthodes de persuasion, les mêmes interprétations de textes religieux. Le film montre justement cela avec justesse sans tomber dans un quelconque prosélytisme . Beaucoup l’ont reproché au réalisateur (de même que son lieu de tournage) mais cette neutralité sur le fil du rasoir sert son propos. Nous ne devrions pas avoir à choisir un camp. Aujourd’hui, en France, on est en train aussi d’avoir à choisir un camp, comme hier ce fut le cas après le 11 Septembre 2001, et ailleurs dans le monde pour d’autres conflits. Mais le problème de fond est bien celui de l’égalité entre tous.