Blog - La nécessaire éducation au numérique
Entre une discussion au boulot et un article “bornien”, j’ai trouvé intéressant de parler éducation au numérique. Attention, pas le numérique dans l’éducation qui est tout autre chose…
Même si le terme est un fourre tout, le numérique est partout dans notre vie. On utilise internet pour des achats, pour les administrations et celui qui n’a pas de terminal chez lui se condamne peu à peu à l’isolement, tout étant pensé (et parfois très mal) pour cela. On peut le regretter parfois, mais il va bien falloir faire avec. Sauf que les personnes concernées ne sont pas nées avec tout ça et même ma génération qui a connu les prémisses de l’informatique grand public, a bien du mal à s’y faire. Le problème est que l’éducation se fait souvent par mimétisme et donc, que les enfants actuels reproduisent les erreurs de leurs parents. Ces parents comptent trop souvent sur l’école pour récupérer toutes leurs erreurs mais c’est justement là l’erreur. Si effectivement l’école peut donner des pistes aux enfants, elle ne peut pas tout…. surtout dans un domaine où elle a déjà du mal à éduquer ses profs (cf articles Borniens de ces dernières semaines).
La première chose qui me choque souvent, c’est la place du téléphone dans notre société et maintenant du Smartphone. Du temps du seul téléphone fixe, il y avait deux sortes d’individus : ceux qui avaient un répondeur, avec donc la possibilité de vivre sans s’arrêter à un appel téléphonique, et les autres. Comme nous ne savions pas qui nous appelait, nous allions systématiquement répondre au téléphone, comme si c’était d’une importance vitale, de peur de rater une information importante, de la mort de tata lucienne au rendez vous avec l’ami de 30 ans qui nous appelle que quand il est dans la galère… Mais maintenant, nous avons la possibilité de voir le numéro, nous avons un répondeur inclus dans le forfait mobile et niveau informations, nous en sommes abreuvés. Alors pourquoi répondre systématiquement à tout appel, que ce soit pendant un repas ou toute activité ? Parce que nous avons gardé cette vieille habitude dépassée. Au cinéma, on nous demande de couper notre téléphone. Alors pourquoi ne le fait-on pas à d’autres moments de notre vie. Pour ma part, le smartphone est posé à mon retour chez moi et ne m’accompagne jamais pendant un repas. Je filtre selon les numéros qui s’affichent et ne répond jamais pendant que je conduis. Peut-être aussi parce que mes parents n’étaient pas trop du genre à répondre au téléphone n’importe quand. Dans le travail, on retrouve ce comportement en réunion. Quand j’en organise une (toujours moins d’une heure et avec un ordre du jour et un rappel sur la préparation nécessaire), je demande à ce que le téléphone soit coupé, et même l’ordinateur s’il n’est pas nécessaire. D’ailleurs, je n’emmène pas le mien partout, ne serait-ce que pour le risque que cela peut représenter pour l’accès aux données.
De cette mauvaise habitude avec les appels sur les smartphones, découlent d’autres mauvaises habitudes. Au premier titre, il y a la notification, sorte d’appel d’une application. Pour ma part, je coupe la data quand je n’en ai pas besoin. Je regarde mes mails quand j’ai le temps de les lire (j’ai déjà assez à faire avec ceux du boulot), et je peux rater une information mondiale pendant quelques heures. Je me souviens qu’en 2001, j’ai attendu de rentrer chez moi pour voir des avions s’écraser sur des tours (dont le deuxième en direct)… Je n’ai finalement pas raté grand chose, malgré la rumeur qui courrait alors, etant donné la multiple diffusion de l’évènement. C’est encore pire aujourd’hui. Cette notion d’immédiateté devenue nécessaire est une des erreurs principales. Je vois souvent des collègues avoir des notifications de leur application l’équipe.fr ou 20minutes pour avoir les dernières infos du mercato de football…. Est-ce si important dans leur vie ? Pour d’autres ça sera les informations people, jeux vidéo, …. qu’importe. A moins de travailler dans le secteur, on peut quand même s’interroger. En parallèle, on peut aussi s’interroger sur le besoin d’avoir un smartphone à 600 euros pour finalement n’utiliser qu’un jeu comme Candy Crush, un flux d’information RSS et un GPS …chacun fait ce qu’il veut, bien sûr.
Le smartphone permet de recevoir des emails. Je ne parlerai pas du chiffrement et de la signature de ce courrier numérique, mais de la simple éducation à ce média. Ce n’est pas seulement avoir ou non du “push” pour recevoir ses mails plus vite que l’éclair. C’est aussi savoir rédiger, répondre, classer, gérer. On devient vite submergé de mails inutiles et dont le titre n’est pas parlant. Là aussi, nous avons appris par mimétisme, et parfois par celui de notre hiérarchie. Il est bien de faire des dossiers, pour mieux s’y retrouver. Il est bien de mettre un titre complet et informatif, sauf s’il y a des données confidentielles (auquel cas, il faudra passer au chiffrement). Il est bien de saluer les personnes comme dans un courrier manuscrit. Il est bien d’identifier les destinataires et les personnes en information. Il est bien d’utiliser la fonction “copie cachée” (cci) pour donner une information à quelqu’un sans en aviser les autres (un cahier des charges à plusieurs sociétés, par exemple). Toutes ces petites choses ne sont pas enseignées à l’école, évidemment.
Je pourrais parler de toutes les mauvaises habitudes prises sur internet et qui entrent dans le sujet de l’hygiène numérique. Le sujet sera long et est traité tant par des associations que des services de l’état qui viennent faire des conférences. Mais n’est-il déjà pas trop tard lorsque l’on a pris un mauvais pli depuis 10 ou 15 ans. Le rôle des parents et de l’école dans ce domaine est plus que flou. Comme je le disais, le mimétisme joue beaucoup et donc l’enfant reproduira aussi les mauvaises habitudes listées ci dessus. C’est donc la nécessité exemplarité des parents qui est complexe. Cyrile parlant du manque d’intérêt des parents pour les messages de l’école, le cahier de texte numérique, etc… Je m’interroge en effet sur ce que représente un enfant pour certains parents, quand celui-ci est laissé avec sa “nounou virtuelle”, que représente la télévision ou la tablette aujourd’hui. Et comme justement les parents ne savent pas ce qu’il y a dans cette tablette, ses possibilités, ses failles, c’est parfois donner une bombe à retardement. Génération, X, Y….c’est du bidon pour marketing car on voit que derrière tout cela, ce sont des humains, avec leurs faiblesses, leurs erreurs dont savent profiter les plus malins (exemple, l’addiction au jeu d’argent par exemple, qui se niche jusque dans le moindre jeu mobile avec des achats “in app”). Lorsqu’on rappelle que Steve Jobs ne mettait pas de tablette dans les mains de ses enfants, on rigole. Mais derrière cette anecdote, il y a une réflexion à avoir sur l’éducation à cette révolution culturelle et technique que représente le numérique. Elle ne concerne pas seulement l’aspect fonctionnel auprès des enfants mais les parents, les enseignants à un niveau presque philosophique.
Quand les créateurs des ordinateurs ne voyaient autrefois qu’un intérêt scientifique, nous sommes aujourd’hui dans une vision totalement orientée vers le loisir et la distraction, oubliant souvent l’optimisation nécessaire de nos charges de travail. Il n’y a pas à refuser le progrès apporté par l’ordinateur, mais juste à réfléchir à ce que cela doit nous apporter réellement. Que cela soit dans l’activité domestique ou l’activité professionnelle, l’abus ou le refus du “numérique” ne sont que des moyens d’éviter la réflexion et la nécessaire éducation. Quant à savoir si l’éducation doit plus s’appuyer sur l’écrit ou sur le visuel, il y aura bien assez de temps pour en parler plus tard…ou ailleurs.