Musique - Chthonic - Bú-tik (2015)
Le metal n’a vraiment plus de frontières. Et ce n’est pas d’hier puisque le groupe taiwanais Chthonic enchante les amateurs d’extrème orient depuis plus de 20 ans !
Le groupe n’a vraiment rien d’une contrefaçon ou d’une copie, ayant trouvé depuis bien longtemps sa singularité. Ceux qu’on surnomme le “Black Sabbath d’Asie” se sont formés en 1995 à l’université, autour de Freddy Lim, le chanteur et joueur de erhu (instrument traditionnel chinois). On retrouve en 98 Zac Chang à la guitare, Xiao-Yu à la basse (puis Doris Yeh), Xiao-Wang à la batterie et Ambrosia aux claviers et choeurs. A leurs débuts, ils passent du heavy metal au power metal et au black metal tout en chantant en mandarin, taiwanais ou chinois classique. Après un premier album relativement classique, le groupe trouve son style dès le deuxième album en 99, mélant habilement musique chinoise et black metal symphonique. Ils dépassent bien vite les frontières de leur ile pour conquérir d’abord l’Asie. En 2001, Ambrosia est remplacée par Vivien Chen aux claviers et en 2002, c’est le premier album en anglais. Depuis, tous leurs albums sont en version taiwanaise/chinoise et internationale. Les claviers se succèdent à un rythme effrené, ainsi que d’autres postes du groupe, mais l’ossature reste là. Le groupe fait le Ozzfest Tour en 2007 et se fait définitivement un nom en dehors de l’Asie. Et nous voilà en 2013, avec cet album, enregistré en Suède au Sweet Spot Studio sous la houlette de Rickard Bengtsson dans un line up toujours emmené par Freddy Lim, avec Jesse Liu à la guitare, Doris Yeh à la basse, Dani Wang à la batterie, et CJ Kao aux claviers.
L’ambiance chinoise est de mise dès l’introduction symphonique qui utilise des percussions traditionnelles. Au point qu’on perdrait presque de vue le metal, qui intervient pourtant bien vite avec “Supreme Pain for the Tyrant” : double pédale, growl, solo de guitare, ruptures de rythme, tout y est pour déployer une musique à la fois sophistiquée et abordable. Les puristes du black fuiront peut-être mais c’est un tort. Car, comme nous sommes déjà dans un métal très symphonique, il faut savoir apprécier les différents niveaux d’écoute de l’oeuvre. Les refrains sont plutôt catchy, avec l’intégration d’instruments traditionnels, comme c’est l’habitude avec ce groupe. Mais comme nous avons deux chanteurs/chanteuses à plusieurs moments, cela rajoute encore à la dimension épique très prononcée. On retrouve un aspect très martial, ainsi que des tonalités très “marines”, qui rapprochent cela de la rage nordique et du folk metal. La Suède a inspiré le groupe et son équipe de composition. Chthonic est un groupe dont le leader est aussi un militant (il a été élu député en 2016). Aussi l’aspect politique n’est pas laissé de coté dans les morceaux présentés, d’autant que la situation de Taiwan avec la Chine reste toujours très tendue. “Next Republic” est un véritable hymne qui promet de bons moments en live. On retrouve des notes presque celtiques, comme pour l’intro de “Rage of my sword”. Mais tout va à cent à l’heure dans cet album de seulement 10 titres pour 40 minutes. Le répit ne parvient que par quelques notes de musique chinoise plus traditionnelle.
J’entends déjà des puristes trouver l’enveloppe de cet album trop commerciale. Mais on ne s’ennuie pas une seconde et on ne tombe jamais dans la facilité. C’est efficace, prenant, rageur à souhait et c’est bien ce qui compte. La machine Chthonic nous gratifie de plus de quelques clips à la dimension aussi épique que ce que l’on ressent dans l’album. C’est visuel comme ce qu’on sait faire au japon, accrocheur comme un clip US, et avec une esthétique parfaitement adapté à l’Europe. Bref, ils ont vraiment tout compris. Reste à savoir maintenant, après ce coup de maître, comment le groupe va supporter la vocation politique de son leader.