Musique - Beastie Boys - Licensed to Ill (1986)
Mais qu’est-ce qui a bien pu changer ce groupe de Hardcore-Punk en une des grandes réussites du HipHop des années 80-90 ? La réponse tient peut-être dans leur Licensed to Ill.
On oublie en effet trop souvent qu’en 1981, Michael Diamond, Adam Yauch et Adam Horovitz n’étaient pas encore un groupe de hip-hop blanc new-yorkais. D’abord quatuor sans Horovitz (guitariste de The Young and the Useless, autre groupe punk) mais avec Kate Schellenbach et John Berry, ils se font appeler Young Aborigines avant de prendre le nom de Beastie Boys. Ils tournent avec les groupes de la scène punk locale, au mythique CBGB, notamment. Berry s’en va en 82 et est remplacé par Horovitz et la mutation en groupe de hip-hop se fait au départ de la batteuse en 83. Elle continuera dans la veine punk-rock avec Luscious Jackson. Le groupe expérimente encore dans un mouvement rap New Yorkais encore underground (celui de Public Enemy par exemple ou encore . Un certain Rick Rubin (plus tard producteur des Run DMC, LL Cool J mais aussi de nombreuses pointures du Rock) les rejoint en tant que DJ dans leurs sets. Ils adoptent maintenant des noms de scènes plus en phase avec leurs nouvelles aspirations hip hop : Mike D, MCA et Ad-Rock. Rick Rubin a fondé Def Jam Records et tient avec les Beastie un de ses groupes phares, il en est persuadé.
Il faut dire qu’avec le single “Rock Hard”, ils montrent qu’ils peuvent passer du rock (via des samples d’AC/DC notamment) au hip-hop. Rubin montra aussi cela avec Run-DMC quelques temps plus tôt sur King of Rock. Voilà le groupe lancé, faisant les premières parties d’une certaine Madonna, en plus d’être dans la tournée de la team Def Jam. Il leur faut un album maintenant et ce sera Licensed to Ill. Le succès de l’album tient certainement à l’imagerie construite autour du groupe et notamment un clip : No Sleep Till Brooklyn où le groupe se moque ouvertement de la mode du moment , le hard-rock glam. Un certain Kerry King du groupe Slayer (aussi produit par Rubin) y fait une apparition amicale en tant que guitariste du titre. Mais ce qui marque globalement dans l’album c’est qu’il se détache à la fois du Hip-Hop de l’époque en y apportant une énergie qui reste punk-rock tout en n’étant pas un album rock ou fusion. Les Beastie ont trouvé une savante alchimie entre leurs aspirations musicales passées, leurs goûts du moment et l’environnement dans lequel ils évoluent.
Ainsi l’album démarre bien par un beat rap mais le chant reste dans une lignée plus punk. On reste dans une utilisation de boite à rythmes avec l’apport de guitares saturées très rock sur ce flow hip-hop. Mais des morceaux comme Slow Ride donnent une tonalité très second degré et décalée à l’ensemble, l’humour restant une marque de fabrique des Beastie. Le gimmick de Girls en est un autre exemple, autant que pour “You gotta fight for your right….to party”. On se dit qu’il s’agit d’un titre revendicatif et politique alors qu’il s’agit aussi d’un appel à faire la fête. Le groupe s’adresse évidemment à la jeune génération, des ados aux jeunes adultes, cmme ils disent avec “I’ll kick you out of my home if you don’t cut that hair”…. Un paradoxe pour eux qui se mettent en opposition aux glameurs. Après des titres beaucoup plus rock, on retrouve toujours ces guitares saturées et ces riffs comme sur le titre qui donne son nom à l’album. En ce milieu des années 80 où c’est le son caractéristique, ça fait mouche pour rassembler des publics souvent opposés. Comment prendront-ils la petite leçon d’histoire made in Beastie avec “Paul Revere” ? Avec humour ou pas quand ils nous disent ““Now I got the gun, you got the brew, You got two choices of what you can do, It’s not a tough decision as you can see, I can blow you away or you can ride with me”…. Ok, nous on reste de leur coté. Cette décontraction tout en abordant des sujets sombres reste une composante du groupe. Ils s’opposent en cela à des groupes de l’époque comme Public Enemy dont le discours reste plus grave et politisé. Et en même temps, ils sont aussi les grands frères d’un Eminem qui viendra aussi apporter sa pierre à l’édifice du rap. Eminem rendra d’ailleurs hommage à Adam Yauch pour son influence.
Pourtant après ce succès, ils quittent Def Jam Records en 87 pour partir chez Capitol, le légendaire label qui se diversifiait à l’époque. L’album “Paul’s Boutique” changera de direction par une utilisation de sample plus importante s’éloignant sans doute de leurs racines rock dans le son mais gardant toutes les caractéristiques du groupe. Il sera acclamé comme un des meilleurs albums hip hop de tous les temps. “Check your Head” revient à une utilisation d’instruments en 92, le groupe s’occupant aussi du label Grand Royal. On y retrouvera notamment Luscious Jackson… Une aventure qui se terminera en 2001. le “Ill Communication” de 1994 est un retour au source avec à nouveau un son plus rock dans une époque où le grunge fait recette. C’est un carton et le groupe est à son sommet à nouveau. Suit le très bon “Hello Nasty”, salué par des Grammy et MTV Awards. Le groupe s’implique politiquement et charitativement sans perdre en créativité dans ce début des années 2000. Ils protestent contre la guerre en Irak de 2003, militent pour le Tibet tout en sortant l’album To the 5 Boroughs, enregistré au coeur de Manhattan, dans leur propre studio. Cela leur permettra plus de liberté musicale, tentant notamment la voie instrumentale non sans succès.
Mais le cancer emportera Adam Yauch en 2012, mettant un point d’arrêt au groupe qui refuse de rejouer sous le nom Beastie Boys désormais. Reste cet album fondateur d’un style, inspirateur de bien des groupes.