Géopolitique - Argentine, retour à la vassalité ?
Il y a quelques mois, on discutait de la nécessité pour l’Amérique du Sud de s’éloigner du grand frère Etats-Unien. Le continent était encore majoritairement “à gauche”, avant une série d’élections qui ont changées la donne. L’Argentine est l’exemple le plus frappant.
Car si le Venezuela, montré comme une dictature chez nous, est aujourd’hui dans une cohabitation électrique gauche-droite, l’Argentine a bien basculé à droite après l’élection de Mauricio Macri. A coté d’un Brésil au bord de la rupture politique et économique, l’Argentine n’a pas pu non plus s’isoler des spéculations et des dépendances structurelles. Mais la faute n’est pas seulement à imputer à des manipulations des USA pour fragiliser les économies. Si l’économie est repartie après la crise majeure du pays (baisse de 70% de la pauvreté, baisse du chômage de 10 points), la corruption et les lourdeurs administratives ont pesé nettement sur les résultats électoraux. L’inflation est conséquente et les explications techniques ne peuvent être entendues par une population qui voudrait retrouver de la richesse dont semblent profiter ses élites. Le poids de certaines industries, qu’elles soient restées privées ou devenues publiques aujourd’hui, reste trop important dans la vie économique. Les largesses fiscales et environnementales sont symptomatiques, héritages des dictatures passées (ce que l’on retrouve aussi au Brésil)
Face à ce sentiment d’injustice, d’inégalités, il peut sembler étonnant de voir un candidat de “centre droit” élu président. Mais Macri est aussi l’ancien président du club de foot de Boca-Junior. Il a étudié aux Etats-Unis et se dit néo-libéral sans avoir été dans le moule de “l’école de Chicago”, chère aux dictatures sud-américaines des années 70-80. Sa réussite, il la doit à son mandat de maire de Buenos Aires durant la période post-crise. Entre grands travaux et politique sécuritaire, il a lutté aussi contre la main-mise des syndicats dans l’administration (voir le scandale des emplois fictifs). Cette situation de l’administration a servi autant à maintenir un revenu à des centaines de milliers de personnes après la crise, qu’à créer une catégorie de travailleurs privilégiés ensuite et que personne n’avait osé casser avant Macri. Cette gestion de la crise sociale à Buenos Aires a donc servi à rassurer une partie de la population lassée de cette situation, mais aussi à rassurer les investisseurs qui ont largement financé sa campagne. Son passé à la tête de la Sevel (manufacture automobile fabriquant Peugeot et Fiat) a contribué aussi à le positionner comme leader économique.
Mais il faut aussi regarder son passé à la Citibank d’Argentine, établissement largement impacté par la crise de 2008 et sauvé par le gouvernement US. Son invitation au forum de Davos montre aussi la volonté de revenir dans le giron habituel de l’économie mondiale, dans sa forme spéculative et non de poursuivre une politique de renforcement des liens avec les “non alignés” que sont les BRICS, par exemple. S’il dit vouloir poursuivre les partenariats avec le voisin brésilien, il a pris immédiatement des mesures pour libéraliser le change. Cela a combattu le marché noir autour du dollar, mais a surtout fait plonger le Peso Argentin de 30% en Décembre, du fait des ventes massives de la devise.
Cette montée a évidemment touché particulièrement les classes populaires dans les prix des denrées. L’inflation qui en a découlé est à nouveau au plus haut niveau depuis 10 ans.
Reste à connaître maintenant ce qui va se passer après cet appel d’air. Les liens dévoilés par Wikileaks entre Macri et les Etats-unis, laissent à penser que les largesses faites aux investisseurs en terme de réductions fiscales ne font que commencer, malgré des promesses de budget à l’équilibre. Le risque pour le pays à aller seul dans cette politique, est un isolement dans ce continent sud-américain. Le magazine “Fortune” émet justement des doutes à ce sujet, se basant sur l’exemple du Chili où le pouvoir de la droite fut éphémère après un retour innatendu entre 2010 et 2014. A l’heure où 1% des habitants du monde possède plus que les 99% restant, l’Argentine risque bien de poursuivre l’accroissement des inégalités. Et si c’est le prix à payer pour de nécessaires réformes structurelles, celles jugées prioritaires ne sont pas faites dans l’intérêt du plus grand nombre, dans ces 3 premiers mois de présidence.