Musique - Angélique Kidjo - Sings (2015)
Nous cherchions à présenter Angélique Kidjo à travers un album. L’artiste Béninoise a depuis bien longtemps dépassé les frontières de son pays et du continent Africain. Au point que nous avons retenu cette rencontre entre sa musique et un univers plus européen.
Mais avant cela, la native de Ouidah, a eu une carrière riche en styles, en collaboration prestigieuses. D’une mère directrice de théâtre et d’un père postier mais aussi musicien, il ne pouvait advenir qu’une artiste ? En effet et sa carrière commence dès l’age de 6 ans avec la troupe de sa mère. Elle a aussi la chance de pratiquer diverses langues, dont le français et l’anglais, ce qui facilitera ultérieurement sa carrière internationale. Adolescente, elle reprend du Myriam Makeba, la star sud-africaine qui milite aussi activement pour son pays, et en enregistre une reprise modifiée par ses soins. Cet engagement humanitaire et civique l’accompagnera au long de sa carrière. A 20 ans, elle enregistre un premier album, à Paris, avec le producteur camerounais Ekambi Brillant. Le succès n’est alors qu’en Afrique de l’Ouest où elle fait une grande tournée. Mais le Bénin est instable et elle part s’installer à Paris en 1983. La vie est difficile mais elle prend des cours de musique, jazz notamment, y fait des rencontres, et intègre un groupe de jazz africain Allemand, Pili Pili, emmené par le hollandais Jasper van’t Hof qui lui permet de découvrir d’autres pays européens et d’autres musiciens. En 1986, c’est le premier enregistrement aux USA avec un saxophoniste néerlandais, Tom Barlage, alors qu’elle continue à tourner avec Pili Pili. Mais son premier véritable album solo n’arrive qu’en 1989, avec sa formation où l’on retrouve son bassiste de mari, Jean Hebraïl. Avec cet album, elle accède à son rêve : faire la première partie de son idole, Myriam Makeba….puis en 1990, de Nina Simone. Elle écume les festivals de Jazz et est finalement signée par chez Island Records par Chris Blackwell en 1991. “Logozo” est enregistré à Miami et mèle les diverses influences de la chanteuse, avec la participation de musiciens prestigieux. On y retrouve même une reprise d’un titre popularisé par Myriam Makeba. C’est la consécration critique et internationale. L’album suivant, plus afro-funk ne dément pas ce succès avec toujours un fond politique sur des rythmiques empruntées à diverses traditions musicales africaines. Elle se ressource au Bénin en 1995 mais chante aussi enfin en Anglais, confortant ainsi sa carrière internationale sans se renier. Car sa musique reste toujours ancrée dans ses racines béninoises, notamment dans les rythmiques. On retrouve un de ses titres sur la bande originale du très hollywoodien “Ace Ventura”…. Et pourtant, elle continue sa route avec des gens comme Carlos Santana, Branford Marsalis, Alicia Keys, Peter Gabriel, toujours dans un mélange des genres jazz, rythm’n blues, et même rock. Elle s’installe à New-York en 2001 pour mieux capter ce continent qui la fascine, du Brésil aux Etats-unis. Parallèlement à cela, elle s’engage avec l’UNICEF, et continue à chanter l’Afrique à travers le monde. Et en 2014, elle met en musique des poèmes en langue Yoruba avec l’orchestre philarmonique du Luxembourg et Philip Glass. De cette expérience, naitra un autre album, Sings, alors qu’elle vient de recevoir un troisième Grammy Award pour le précédent, Eve, consacré aux femmes africaines.
Il n’est pas aisé de caler les rythmiques africaines avec un orchestre symphonique dont la puissance peut vite écraser un chanteur. C’est tout le travail réalisé dans un album qui s’installe graduellement. On y retrouve à la fois des arrangements venus du classique mais aussi du jazz et des rythmiques africaines, sans oublier évidemment le dernier instrument : La voix d’Angélique Kidjo. Car pour être ainsi seule, sans le moindre choeur, face à un tel orchestre, il faut avoir des possibilités au dessus de la normale. C’est le cas avec son timbre grave, puissant, plein de nuances, de variations, qui passent de la voix de tête à la voix de poitrine en passant par des vibratos plus rocailleux. Sur “Kelele” on retrouve quand même des choeurs répondant à la chanteuse, une guitare jazz et des percussions africaines. La barrière es langues est vite oubliée tant l’émotion transparait dans ces reprises de ses succès passés. “Fifa” ressort ainsi avec plus de puissance encore, comme si le morceau avait été écrit pour une telle orchestration. Angélique Kidjo y fait preuve de douceur, tout autant que de rage, dans un morceau particulièrement difficile. On retrouve également sa période brésilienne avec “Bahia” et “Samba Pa Ti”, grands moments de ce concert. Et que dire de Petite Fleur de Sidney Bechet, chanson préférée de son père ! On l’entend assez peu souvent avec un chant en français et c’est si dommage, surtout avec un arrangement Guitare / Orchestre tout en délicatesse. Les moments de grâce ne manquent pas dans cette seconde moitié de l’enregistrement, comme “Nanae” ou encore “Naima”, morceau écrit pour sa fille. L’orchestre se fait peu à peu oublier pour n’être qu’un instrument de plus au service du talent de cette chanteuse. On est embarqué dans ce mélange des genres qui trouve une homogénéité inattendue. Et tout cela se termine bien trop tôt avec “Loloye” dont on réclamerait bien un rappel.
Si vous ne connaissez pas encore Angélique Kidjo, c’est l’occasion ou jamais de la découvrir. Car ce type d’albums est aussi fait pour cela, pour aller chercher un public qui n’aurait pas la curiosité d’écouter une des plus grandes chanteuses actuelles. On regrette presque le début un peu timide où l’orchestre prend trop de place. C’est aussi pour accompagner une montée en émotion crescendo. Et après avoir fait défiler le fil de cette vie incroyable, que peut-on souhaiter maintenant à Angélique Kidjo, sinon de nous surprendre encore.