Il arrive qu’on croise des personnages étonnants dans sa vie, et dans son enfance, dont on ne se doute pas alors qu’ils passeront à la postérité. C’est le cas de Derf Backderf qui dessine ici sa rencontre avec un certain Jeffrey Dahmer.

Dans cette petite ville de l’Ohia, Derf n’est pas vraiment un garçon populaire mais sans doute plus que ce Jeffrey Dahmer, adolescent solitaire et secret. Les deux se lient d’amitié et font les 400 coups ensemble. Quelques années plus tard, Jeffrey Dahmer deviendra l’un des pires serial Killers de l’histoire. Le dessinateur explore dans ce long récit, paru en feuilletons, ce qui a pu conduire à ce terrible personnage.

A travers ce parcours, il y a aussi une réflexion sur sa propre culpabilité, sur le fait d’avoir laissé Dahmer de coté à un moment de sa jeunesse, de ne pas avoir répondu à ce qui, à posteriori, ressemblait à des appels au secours. Le dessin est assez typique de la BD indépendante US, caricaturale et réaliste à la fois. On est pris totalement dans cette histoire, mais aussi pris de malaise. Pour avoir connu quelque chose de similaire, l’identification est sans doute plus proche encore. Mais il est difficile de trouver des réponses. L’introspection de l’auteur semble aller loin, sans toutefois porter trop de jugement sur celui qui fut son ami.

On se pose véritablement la question de l’amitié, de son sens, car finalement, Dahmer n’a jamais eu de véritable ami, celui à qui on peut parler de tout, se confier, en plus de s’amuser. La solitude du jeune homme le pousse à se renfermer dans son monde, dans un monde où il manque de repères, un monde de fantasmes aussi. Dans cette amérique des années 70, il y a aussi beaucoup à dire. La chronique devient parfois satyre sociale et ne sombre jamais dans le spectaculaire ou le sordide, comme on aurait pu le craindre.

Une oeuvre majeure de la bande dessinée qui en devient même roman graphique.