Géopolitique - Le sport, arme d'une nouvelle guerre froide
L’agence mondiale contre le dopage vient de mettre à l’index la Russie pour ses pratiques de corruption et de dopage. Si les pratiques sont réelles, la différence de traitement des pays montre que le sport est aussi et toujours une arme politique.
Depuis les jeux olympiques de 36 à Berlin, le sport a souvent été utilisé comme une arme de propagande idéologique. Dans les années 80, on eu droit successivement aux jeux de Moscou et de Los Angeles avec des boycotts et des pratiques douteuses de part et d’autre concernant le dopage. Dans les années 90-2000, la Chine eut recours aussi au dopage pour montrer sa puissance retrouvée. On parle moins des pratiques australiennes, sud africaines (en Rugby pendant la coupe du monde dans ce pays par exemple), et tant d’autres. Les scandales du dopage ont écorné un temps les États-Unis (affaire Marion Jones) sans que l’on mette à l’index tout un pays pourtant tourné vers une course à la performance (voir les pratiques du Football US, par exemple). Le sprinter Tyson Gay ou son concurrent Justin Gatlin sont des exemples récents. Le second a pourtant été admis à la compétition, pulvérisant ses performances “dopées” avec une progression plus que suspecte dans son retour à la compétition. Mais aujourd’hui, cela va plus loin que le dopage puisqu’on parle aussi de corruption. Il faut se souvenir de tous ceux qui ont couvert les pratiques du cycliste Armstrong et du peu de sanctions prises au sein des fédérations nationales et internationales. Les sanctions sont prises à géométrie variable par les fédérations, et jamais par les instances mondiales. On peut donc s’étonner du traitement infligé à la Russie pour l’Athlétisme (oubliant au passage les performances des fondeurs russes aux JO d’hiver).
Derrière cette communication, on peut voir une manœuvre politique. L’effet de l’annonce vise ouvertement le régime Poutine qui utilise lui aussi le sport pour montrer la grandeur retrouvée de la Russie. Ce n’est un secret pour personne, l’agence mondiale contre le dopage manque de fonds. Dirigée depuis 2008 par Craig Reedie, membre du CIO et lobbyiste influent dans l’organisation des jeux de Londres, l’agence a besoin de redoré un blason écorné par ses manques passés dans une course sans fin contre les technologies. Mais il faut aussi différencier les politiques de dopage d’état (dont le paroxysme fut atteint par la RDA) et les pratiques de laboratoire privés liés à des centre d’entrainement/clubs (modèle plus anglo-saxon). Le résultat reste pourtant très similaire, surtout quant à l’équité sportive. On peut s’étonner également que l’agence mondiale parle de corruption alors qu’elle n’a pas les moyens d’investigation dans ce domaine. Elle semble s’appuyer à la fois sur des enquêtes privées mais probablement des enquêtes faites par des polices. En s’attaquant à un état plus qu’à des fournisseurs, l’agence mondiale (WADA), rate sa cible et participe à la lutte d’influence au sein d’un Comité International Olympique (CIO) sclérosé par les affaires de corruption.
On peut même aller jusqu’à penser que c’est un écran de fumée destiné à masquer d’autres révélations sur la corruption au seins du comité olympique, à l’échelle de ce qu’il y a dans la FIFA ou d’autres grandes fédérations. Hasard ou pas, les derniers jeux olympiques entachés par cette corruption ont été organisés en … Russie. Les enquêtes sur les pratiques de l’Athlétisme internationale allaient plus loin que la seule Russie. On peut donc s’étonner de ce communiqué cinglant. Les règlements de compte n’ont pas fini dans le sport et dans cet état d’esprit, bien malin qui saura dire le jeu que jouera Paris avec sa candidature. Pour éviter de telles manœuvres, il convient aussi de revoir le droit international du sport qui, curieusement, permet l’exclusion d’un pays mais laisse les fédérations nationales statuer sur le cas des athlètes isolés ou des groupes d’athlètes. Dans cet avatar de la nouvelle guerre froide qui s’installe, les jeux d’alliance n’ont pas fini de s’installer. Pays européens et Chine n’ont pas encore tous choisi leur camp. Le sport en sort-il grandi pour autant ? ce qui est devenu le nouvel opium du peuple n’a plus vocation à défendre des valeurs comme plaisir, partage, esprit d’équipe, mais plutôt nationalisme et intérêts financiers.