Musique - Emperor - In the Nightside Eclipse (1994)
Le Black Metal, qui plus est Norvégien, souffre de beaucoup d’à priori. Nous vous proposons de les laisser de coté pour mieux découvrir cette musique à travers une figure mythique : Emperor
Le Mythe Emperor tient autant à leur musique qu’à l’histoire de ce groupe. Des livres ont été écrits sur le sujet, comme Lords of Chaos de Michael Moynihan, et nous n’irons pas vous en faire un résumé. Le style du groupe, plus symphonique que ses collègues de l’époque, reste pourtant lié à la personnalité d’Euronymous, fondateur de Mayhem et personnage central de l’histoire du Black Norvégien. Le quatuor initial formé de Ihsahn, Samoth, Bard Faust **et Mortiis** et originaire de Notodden , évolue avec le remplacement de ce dernier par Tchort. Nous sommes en 1993 et le groupe est enfin prêt pour un premier album : In The Nightside Eclipse.
Si évidemment le chant reste en growling qui rebutera certains, il ne faut pas s’arrêter à ce seul détail. Car derrière, toute la majestée d’Emperor se déploie à travers des pistes symphoniques, une rythmique qui sait se faire discrète tout en amenant des ruptures, le tout dans une ambiance sombre et prenante. Une ambiance déjà démontrée par la pochette de l’album. Mais il ne faut pas négliger l’aspect mélodique des morceaux (voir par exemple le break de “The Majesty of the Night Sky”), et la récurrence des thèmes symphoniques. Les morceaux sont complexes, riches en sonorités et subtilités et amènent le Black Metal dans une sophistication qu’on n’imaginait pas. Mais cela ne le rend pas, paradoxalement, moins accessibles que des groupes de rock progressif.
Comment échapper à la toute puissance d’un “Cosmic Keys to My Creations & Times”? La musique d’Emperor semble portée par un pouvoir surnaturel pour nous emmener dans leur univers sombre et fascinant. On pénètre volontiers “Beyond the Great Vast Forest” . On plane plus calmement “Towards the Pantheon” qui finit par nous habiter, nous transformer et finalement nous appaiser. Ihsahn déploie sa hargne vocale comme des incantations. C’est bien simple, il n’y a guère qu’un Opéra pour porter l’auditeur à de telles sensations. La recette n’est pourtant pas aussi simple que de mélanger les codes du black metal avec le progressif et le symphonique. L’alchimie est plus subtile et sera rarement atteinte par la suite, même par Ihsahn en solo.
Car Samoth est emprisonné 2 ans en 1994 pour des incendies d’église. Bård Faust est incarcéré pour meurtre et Tchort est mélé à quelques histoires l’éloignant du groupe. On ne peut négliger aussi la rivalité avec le black metal suédois (Marduk, Dissection…) de l’époque pour comprendre les dérives du black norvégien. C’est Ihsahn qui reste comme gardien du temple Emperor et compose l’essentiel de la production à venir. **Anthems to the Welkin at Dusk</i>** est vu pour beaucoup comme un de leur chef d’oeuvre. Ihsahn développe le coté sophistiqué et progressif tandis que Samoth préfère un retour aus sources et va vers le punk. Chacun aura l’occasion de développer cela en solo après la séparation du groupe en 2001, 2 ans après IX Equilibrium **et à la suite d’un dernier album **Prometheus: The Discipline of Fire and Demise. On reverra pourtant le groupe épisodiquement dans des reformations ponctuelles, notamment au Hellfest. Mais aucun album ne sortira, Ihsahn se concentrant sur sa propre carrière solo.
Ce “Nightside Eclipse” reste comme le graal du Black Metal, dans ce que certains appelle un sous-genre symphonique. Mais ne serait-il pas finalement l’aboutissement du genre ?