Automobile - le Big Data, entre indic et eldorado !
Big data oblige, qu’on se le dise : la voiture de demain ne sera pas volante, mais connectée ! Les nouvelles évolutions normatives européennes en matière d’Automobile ouvrent un large champ d’application à cette technologie. Positif : une avancée pour la sécurité des occupant. Négatif : une vaste marchandisation des données. Bref, à l’avenir la Donnée dira tout de vous !
À l’image de tous nos équipements électroniques, l’automobile évolue vers le tout connecté. L’électronique embarquée enregistre déjà bon nombre de paramètres au cours du fonctionnement du véhicule dès que le contact est mis. Certaines assurances installent des « boites noires » (RoadEyesCams) en échange de contrats préférentiels ; des associations comme la Ligue contre la violence routière réclament leur généralisation à tout le parc autoroutier. Dans cette veine, les nouvelles normes exigent l’envoi d’une alerte lors d’un accident afin de géolocaliser le véhicule, obtenir un prédiagnostic des pannes avec leurs origines – à l’image de ce qui se fait dans un avion. Jusque-là, pourquoi pas. Le problème, c’est que ces données collectées vont se retrouver sur le marché de ce que l’on appelle dorénavant les « Big Data ».
Comme nous l’avons vu lors du dernier Mondial de l’Automobile, la tendance est à l’interface tactile, à la tablette intégrée au tableau de bord et à l’intégration des géants de la donnée que sont les fabricants de ces périphériques : Apple, Google, voire Amazon. Si le conducteur n’est pas dépaysé de retrouver l’interface de son téléphone ou/et de sa tablette sur son écran multifonction au centre du véhicule, sait-il ce qu’il se passe derrière et qui est le propriétaire des données qui transitent. Le dimensionnement et les compétences nécessaires pour répondre à ces nouvelles normes a, de fait, poussé les constructeurs automobiles, dans les bras des spécialistes de la Big Data et du réseau. On n’achètera bientôt plus un véhicule mais un panel de service, comme c’est déjà le cas avec les packages de crédit, maintenance, assistance. Dans ces services, il y a des aides à la conduite, par exemple la station-service la plus proche, les points d’intérêts touristiques et gastronomiques dans les GPS, des restaurants conseillés, mais aussi des chaines de magasins ou des services en ligne comme Uber, Blablacar, etc.
Or, comme sur les smartphones, des milliers de données peuvent transiter chaque minute à l’insu de l’utilisateur (pour le constater, testez App Ops sur Android, vous serez édifié par la quasi-inexistence du respect de la vie privée). Si Apple intègre depuis peu l’automobile avec Carplay, Google va plus loin avec ses prototypes de voitures autonomes et son Android dédié au monde de l’automobile. Il s’affiche pour devenir un partenaire crédible des constructeurs et des assureurs et ainsi monnayer ce qui l’intéresse : La Donnée – la bonne et juteuse grosse donnée ! Côté constructeur, les données individuelles sont intéressantes pour affiner les réglages du véhicule en fonction des habitudes des clients. Autrefois, des parcs de véhicules tournaient en campagne d’essais avec des batteries de capteurs confrontés ensuite à des questionnaires de ressenti. Demain, les données arriveront directement dans les Data Centers. On peut ainsi imaginer des typologies de stratégie des moteurs évoluant avec le comportement du conducteur pour optimiser le rendement, voire selon les emplacements géographiques. En s’insérant dans le réseau de donnée d’OBD (On Board Diagnostic), on y récolte des informations techniques qui, une fois croisées avec les données collectées par les objets connectés et les autres accessoires du véhicule, brossent un portrait déjà précis des habitudes de l’automobiliste. Dès lors, les assurances, friandes de données de ce genre pour customiser leurs propositions ressentent un vif désir de frapper à la porte des constructeurs, des prestataires et autres géants numériques. C’est pourquoi depuis quelque temps des sociétés se spécialisent dans le traitement croisé de données et revendent des profils « utilisateur » aux départements marketing des équipementiers et constructeurs automobiles afin de définir les évolutions des futurs modèles. Cela étant, comme les constructeurs n’ont pas les compétences ni le dimensionnement nécessaire pour synthétiser toutes les données qu’ils récoltent à partir du Big Data, ils se tournent à cette fin vers des sociétés spécialisées ; du coup, ils perdent une partie de leur maîtrise du développement des nouveaux véhicules. Alors que des contrats sont déjà en négociation, on n’ose imaginer ce qu’un piratage de ces données impliquerait en terme d’espionnage industriel…
Qui plus est, cette standardisation à outrance laisse peu de place à l’originalité et à la créativité. Le peu de variété dans les interfaces des smartphones en fournit déjà la preuve. Ne rêvez pas, chers lecteurs-conducteurs, il sera impossible à l’automobiliste de configurer librement la tablette de sa voiture ; pas de programme à télécharger pour rooter/jailbreaker (autrement dit, pour débloquer les droits d’utilisation du système, comme on peut peut le faire avec des systèmes très verrouillés comme l’iPhone par exemple). Bien sûr, les constructeurs répondent à cette impossibilité de libérer l’interface par de nouvelles possibilités de personnalisation autant extérieures qu’intérieures – ce qui leur permet d’augmenter encore plus le prix de ce tableau de nord. Et deviner quoi en plus ? Ces choix aussi seront analysés, stockés, diffusés ! Bref, l’avenir de l’automobile grand public est celui d’une voiture automatique, connectée, géolocalisée afin de protéger l’occupant de la principale source de risque : le risque humain. Les tenants du plaisir de conduire sont légitimement inquiets ; leur place sera bientôt cantonnée aux circuits automobiles. Le reste du temps, ils utiliseront comme tout le monde des voitures robotisées. Un nouvel eldorado s’ouvre pour certains, un espionnage de plus pour les autres…