Géopolitique - Amerique du Sud, sortir de la dépendance US
Si cela est passé un peu inaperçu dans l’actualité, à cause de l’ouvertude de Cuba et de la crise grecque, il ne faudrait pas sous-estimer ce qu’il se passe actuellement sur le continent sud-américain.
Autrefois vassal des Etats-Unis, l’Amérique du sud évolue, se reconstruit et se cherche une voie loin du grand frère du nord. A ce titre, la crise Argentine de 1998 a été un marqueur important. La crise mondiale de 2008 n’a fait que renforcer la volonté de s’isoler un peu plus du Dollar et des banques US. Si autrefois on pensait aux leaders neo-marxistes du Venezuela et de la Bolivie, maintenant ce sont les leaders économiques du continent qui mènent (à nouveau) la danse sur le sujet. A leur tête, deux femmes : Dilma Rousseff et Christina Fernandez de Kirchner, toutes deux confrontées à des mouvements d’opposition virulents et une crise financière sur fond de crise énergétique dans deux pays historiquement rivaux pour le leadership régional.
Il faut dire que pendant trop longtemps et à la différence de Lula, Dilma Rousseff a laissé la diplomatie de coté avec à la clé des dissensions dans des ambassades exangues. Son pays a du mal aujourd’hui a respecter ses engagements internationaux et se rapproche petit à petit d’une situation proche de l’Argentine. Si Dilma Rousseff a semblé ces derniers mois jouer le jeu des marchés financiers (politique d’austérité notamment), histoire de les rassurer sur la situation, était-ce une maneuvre pour avoir un peu plus de mou dans ce nœud coulant financier? Ou alors devait-elle convaincre l’Argentine de rentrer dans le “droit chemin” de la finance internationale ? Le mystère reste encore entier à ce jour, Mme de Kirschner n’ayant pas fait montre d’une volte face flagrante ces trois derniers mois depuis le sommet des Amériques, après avoir par exemple nationalisé les fonds de pension de retraite.
Il est à noter que la présidente argentine a déjà été l’artisane d’un rapprochement avec le Brésil sur la question énergétique avec un investissement commun dans le nucléaire. La question énergétique est particulièrement sensible au Brésil avec les scandales de corruption successifs dans la compagnie nationale Petrobras. L’Argentine est pionnière du continent dans le nucléaire civil tandis que son voisin a cherché à ne pas être totalement dépendant du pétrole en développant l’éthanol et autres carburants issus de l’agriculture puis maintenant l’hydroelectricité (tout comme l’Argentine avec des capitaux chinois). Si on critiquera les conséquences écologiques (cf Barrage de Belo Monte, utilisation des pesticides et d’OGM, ….), on peut tout de même observer ce qui a été fait et reste à faire avec intérêt . Les deux pays possèdent des complémentarités intéressantes de ce point de vue, permettant ainsi d’éviter une dépendance pétrolière où les prix sont le jouet de politiques US ces derniers temps.
Les positions diplomatiques du Brésil et de l’Argentine ont montré une étrange cohérence vis à vis des conflits internationaux : Soutien à la Syrie, à l’Iran, à la Russie, reconnaissance de la Palestine…. On voyait se dessiner un deuxième pôle diplomatique face aux Etats-unis avec derrière, l’ombre de la Chine (les BRICS) . Mais la position US a magistralement évolué pour contrer cela : Ouverture de discussions avec le Venezuela, rétablissement des relations avec Cuba et accord avec l’Iran. Les positions sud-américaines s’en trouvent soudainement affaiblies, d’autant qu’elles n’étaient pas forcément suivies par l’opinion publique. Reste le problème Russe et on a vu Dimitri Medvedev faire une large tournée internationale dans les pays émergents pour y réunir des soutiens. Depuis 2008, Brésil et Argentine ont cessé de commercer par l’intermédiaire du dollar, préférant un échange direct. Ces démarches montrent une démarche commune pour rompre cette dépendance et ceci remonte déjà à Lula et Kirchner, les précédents présidents des deux pays.
On peut y voir encore une volonté clairement affichée des Brics de s’isoler et de peser ensemble dans un monde où le Dollar était la référence. Là encore, le marqueur de la crise internationale de 2008, le rôle du FMI vu comme bras armé des USA, restent des catalyseurs importants dans l’établissement de nouvelles relations financières. L’effet domino qui a concourru à cette crise reste dans les mémoires. Mais il reste le problème des banques privées de ces pays sur lesquelles les banques centrales ne peuvent peser autrement que par la menace illusoire d’une absence de soutien en cas de nouvelle crise. Les dettes du Brésil comme de l’Argentine restent importantes et qui sait réellement à qui elles appartiennent. Si l’Argentine a rapidement décidé de rembourser le FMI, il reste d’autres créanciers influents. On le voit dans l’affaire judiciaire qui pollue les relations entre Argentine et USA. Couper les liens directs avec le Dollar est donc loin d’être évident tant les échanges financiers restent complexes. Il sera intéressant d’observer jusqu’où ira le lien entre Brésil et Argentine dans la résolution de ces crises diplomatiques.
Mais d’une dépendance à l’autre, comment se positionnera la Chine ? Elle est le premier partenaire économique du Brésil depuis 2010, possède 40% du pétrolier brésilien REPSOL, et investit dans les minérais, les terres agricoles. Si la Balance commerciale reste excédentaire pour le Brésil, le pays ne fournit aucun produit non manufacturé, se positionnant à l’égal d’un pays du tiers monde pour le géant chinois. Coté Argentin, le partenariat se renforce aussi avec la Chine depuis la visite du président Xi Jinping. Mais à la différence du Brésil, la balance commerciale est nettement défavorable à l’Argentine qui importe presque 3 fois plus qu’elle n’exporte. Durant cette visite de Décembre 2014, un accord a été signé pour ce qu’on appelle un Swap Monétaire permettant un échange de devises pour offrir à la Banque centrale Argentine la possibilité de renflouer son stock de réserves. La Chine a clairement exprimé son soutien à l’Argentine dans la lutte contre les “fonds vautours” mais reste encore fragile dans ce domaine comme l’ont montrées les dévaluations de cet été.
On voit clairement se dessiner une autre dépendance à terme, Argentine ou Brésil étant empétrée dans une situation qu’il faut résoudre à court terme. A vouloir à tout prix sortir de la dépendance américaine, les deux pays s’enfoncent aussi dans une dépendance à un marché Chinois très exportateur de produits manufacturés qu’il faut alimenter en matières premières. Le rapprochement des deux géants du continent pourrait tout de même permettre de mieux peser et de pouvoir, le cas échéant, s’isoler des géants économiques mondiaux d’aujourd’hui. A suivre…