Environnement - Une agriculture sans normes ?
En appelant à une modération des normes, le premier ministre français Manuel Valls emboite à la fois le pas de Nicolas Sarkozy et de la FNSEA, le tout puissant syndicat(?) agricole, piloté par les grandes sociétés de l’agro-alimentaire. Et pour le consommateur alors ?
Le discours à la mode est “il faut réformer les normes”. Il y en aurait trop, au niveau européen comme français, que ce soit le code du travail ou dans l’agriculture. Regardons d’un peu plus près ce qui se passe dans le monde agricole. Nous avons vu récemment des cas où la norme sanitaire est abusive, avec par exemple l’obligation de traiter préventivement ses vignes sous prétexte d’une maladie, alors que l’on cultive bio. Mais dans ce cas, il s’agit plus d’un principe de précaution que d’une norme. On pense abusivement que la vente de lait par le producteur directement après la traite n’est plus possible à cause des normes. Il existe pourtant des exemples qui font retrouver le goût du vrai lait au consommateur.
Mais les normes sont plus souvent contraignantes pour l’agriculture intensive, mode promotionné par la FNSEA face à une confédération paysanne plus proche (mais pas que…) des modes de production traditionnels et respectueux. Lorsque l’on parle du porc et de la concurrence, sujet chaud du moment, on touche souvent au pire : Pollution des sols, utilisation abusive de médicaments (là encore, le principe de précaution a bon dos), et promiscuité. Il faut imaginer qu’une truie gestante, un animal de près de 300kg dans la race Large White, n’avait jusqu’à présent que moins de 2m2 pour se mouvoir. Imaginez que c’est moins de surface que votre lit, et que maintenant, une norme impose un minimum de 2,25m2 avec des modulations selon le nombre d’animal. Et pour les porcelets, c’est de 0,15m2 à 0,40m2 au fil de leur croissance. Cette norme applicable en 2013, n’est globalement pas respectée en France mais aussi par d’autres pays Européens. Ici le risque n’est pas seulement pour le bien être animal mais aussi pour le consommateur. La promiscuité et le stress induit l’utilisation de médicaments qui se retrouvent à petites doses dans la viande. Des études ont montrées que l’accumulation de ces doses finit par créer des inefficacités médicamenteuses chez l’homme. Le manque de contrôles, la complicité de certains vétérinaires et la non application des sanctions européennes laisse donc la situation pourrir.
Pourtant, des modes d’élevage préservant à la fois le bien être animal, respectant les normes et permettant à l’agriculteur de vivre correctement, existent. Ils produisent sans doute moins en volume, intéressent moins l’agroalimentaire qui recycle la graisse de porc jusque dans les desserts, mais rencontre du succès auprès de consommateurs qui cherchent la qualité plutôt que la quantité. Les habitudes changent et la consommation annuelle de viande baisse globalement. La France, grande productrice agricole, se retrouve paradoxalement à importer de la viande bio, ainsi que des fruits et légumes bio. Ce marché ignoré a du mal à se développer à cause de la main mise des aides par l’agriculture intensive. La dernière version de la PAC (Politique Agricole Commune) a été bien timide sur ce point et ce lundi, c’est encore des aides qui ont été débloquées pour les producteurs de lait. On sait d’ores et déjà qu’elles iront vers les grands propriétaires, les “usines à vaches”, plutôt que ceux qui en ont réellement besoin, les petits producteurs.
Il existe pourtant des normes qui sont contraignantes pour les plus petites exploitations et qui ont été décidées avec l’idée d’une agriculture intensive. La production artisanale de fromage, par exemple, peut sembler très difficile. Pourtant, dans la réalité, il existe des dérogations et des assouplissements pour les petites exploitations. Il faut reconnaître, selon le témoignage d’agriculteurs, que cela peut dépendre des inspecteurs de la DSV (direction des services vétérinaires). On dit et on fantasme beaucoup sur les normes sans regarder la réalité des choses. La FNSEA joue là dessus pour maintenir son pouvoir et orienter les politiques. Et nos dirigeants politiques suivent servilement ces désidératas, au mépris de toutes les autres formes d’agricultures qui pensent d’abord à la nature et au client final,… nous. Peut-être serait-il temps de briser ce rapport de force à l’aide des personnes de terrain !