Musique - Zaz - Paris (2014)
Lorsque Zaz est apparue dans le paysage musical français, qui aurait parié qu’elle durerait ? Avec sa voix particulière, sa gouaille, elle interpelle, horripile ou séduit. Et cette fois elle s’attaque à la ville de Paris.
Il faut dire que sa voix la rapproche des chanteuses de rue parisiennes du siècle dernier. Ce retour à Paris s’annonce donc plutôt naturellement, coté marketing, d’autant que son répertoire naturel est le jazz, genre qui revient peu à peu à la mode. Paris a toujours eu une place particulière dans le Jazz, avec l’imagerie d’Epinal de St Germain des Prés après la 2ème guerre mondiale. Malheureusement, c’est encore la facilité qui l’emporte avec non pas des titres originaux mais beaucoup de reprises. Est-ce parce qu’elle voulait prendre une année sabbatique ? Après tout, pourquoi pas, puisqu’il peut y avoir de bonnes reprises. Mais l’album vaut aussi par la présence d’un amoureux de Paris et du Jazz, Quincy Jones, **qui amène dans ses bagages, 3 titres et sa dernière protégée : **Nikki Yanofsky.
Native de Tours, ayant débuté dans le sud de la France, Zaz n’arrive à Paris qu’en 2006. N’a-t-elle pas de légitimité pour chanter cette ville qui fascine ? Autant que tant d’amoureux de la ville lumière. Le choix de chansons est délibérément « vintage ». Il n’y a qu’à voir l’ouverture par « Paris sera toujours Paris », dans une rythmique jazz plutôt enlevée. On a connu ce titre emmené par Maurice Chevalier et la reprise est réussie avec un joli break donnant de la place aux musiciens. La voix de Zaz, toujours un peu trainante, est moins agressive ce qui se confirme avec « Sous le ciel de Paris » de Jean Dréjac et Hubert Giraud.. Mais à force de vouloir gommer le coté cassant de sa voix, elle en perd de l’énergie. Et là, la comparaison avec Piaf, Montand, Mathieu n’est guère en sa faveur même si elle termine avec plus de fougue. Au contraire, « La Parisienne » de Marie-Paule Belle gagne à avoir un arrangement jazz plus marqué. Le couplet manque toujours d’énergie mais le refrain est un bonheur.
On se demande finalement si les meilleurs titres ne sont pas les titres originaux comme ce très nostalgique et cliché « Dans Mon Paris ». La chanson colle parfaitement à la tonalité générale de l’album avec un jazz manouche très 50s. Zaz y laisse libre cours à son art, sa voix se faisant instrument. Toutefois, le « Champs Elysées » façon big band n’est pas désagréable. Elle se fond dans un coté crooner qu’on n’imaginait pas. Le choix du jazz purement vocal pour le « A Paris » de Francis Lemarque, peut surprendre. Au moins peut-elle se démarquer de Montand dont l’ombre plane toujours sur ce thème de Paris (tiens, elle ne va pas sur les “Grands Boulevards”?) . L’autre moment intéressant de l’album est cette rencontre avec Nikki Yanofsky, un duo de jazz classique qui pose un silence avant une envolée plus swing. Nikki est craquante à souhait avec son petit accent et leurs voix sont parfaitement utilisées avec leurs caractéristiques propres. Ce vieux Quincy a toujours l’oreille… Autre duo avec « La Romance de Paris » chantée par Trenet et ici interprétée par Thomas Dutronc. C’est frais, léger mais trop léger pour être remarqué dans cet ensemble. Le « Paris Canaille » de Leo Ferré trouve une jolie réinterprétation où Zaz donne de sa gouaille même si la rythmique de son chant prend des tournures pas toujours bienvenues . « La complainte de la butte » est une des grosses déceptions de l’album, tant ce titre marque par la puissance de ses mots. Zaz a le tort de laisser trop trainer encore sa voix, singeant trop sa nostalgie et sa mélancolie. On est très loin de** Mouloudji, Cora Vaucaire, ou même **Rufus Wainwright dans Moulin Rouge.
Il vaut mieux écouter les originaux et Zaz a la chance d’avoir, avec Charles Aznavour, l’interpréte qu’il faut pour « J’aime Paris au mois de mai ». « Paris l’après-midi » est plus intéressant, puisque titre original, au format single de l’époque. Les amateurs de jazz en seraient presque à orienter notre chanteuse dans ce registre à l’avenir, plutôt qu’un mélange trop « popisant ». Et cela se conclut pourtant sur un « J’ai deux amours » créé par Joséphine Baker, avec Géo Koger et Henri Varna. Le titre est modernisé façon gospel, ce qui est plutôt étrange, mais pas désagréable pour autant. La conclusion se voulait sans doute festive.
Au final, c’est un bon moment que nous fait passer Zaz, malgré des faiblesses d’arrangements. Une recette qui paraît facile, certes, comme l’étaient les “Bretonnes” de Nolwenn Leroy ou le pâle “Entre Deux” de Patrick Bruel, déjà très ancré sur Paris. Mais encore faut-il réussir le pari. Zaz confirme tout le bien qu’on peut penser d’elle lorsqu’elle a la liberté de chanter ce qu’elle aime. Et cet album, comme souvent pour les reprises, pousse à réécouter les autres versions de chaque chanson. Coup double pour la maison de disque..
- – Paris Sera Toujours Paris
- – Sous Le Ciel De Paris
- – La Parisienne
- – Dans Mon Paris (Version Manouche)
- – Champs Elysées
- – A Paris
- – I Love Paris J’aime Paris (En Duo Avec Nikki Yanofsky)
- – La Romance De Paris (En Duo Avec Thomas Dutronc) 09* – Paris Canaille
- – La Complainte De La Butte
- – J’aime Paris Au Mois De Mai (En Duo Avec Charles Aznavour)
- – Paris, L’après-Midi
- – J’ai Deux Amours