Musique - Tori Amos – Unrepentant Geraldines (2014)
Depuis l’année dernière, Tori Amos a 50 ans, avec toujours cette allure juvénile derrière un piano. Et surtout autant de créativité pour sortir un 14ème album studio, elle qui pensait l’avoir perdu…
La carrière de la flamboyante rousse de Caroline du Nord, commence dans les années 80. Elle croisa dès cette époque des musiciens comme Matt Sorum (Gun’s N Roses) et surtout le guitariste Steve Caton. Musicienne instinctive, elle s’est forgée elle même un style dès le plus jeune age. Mais ce n’est que dans les années 90 qu’elle parvient à apparaître en solo en signant d’abord chez le mythique Atlantic Records. Elle se nourrit alors de son éducation religieuse (un thème récurent) mais aussi d’expériences douloureuses, de quête d’identité autant ethnique que sexuelle. Son titre “Crucify” est son premier hit avant qu’elle ne confirme avec l’album “Under The Pink” en 1992. Elle est une artiste militante et engagé dans un sujet qui lui tient particulièrement à coeur : Le Viol, dont elle fut victime elle même.
On la voit en compagnie des leaders des groupes REM, Tool, NIN sur des compositions ponctuelles. Mais son piano-voix épuré est abandonné dans les années 2000 pour des sonorités électroniques. Mais elle se lasse, surtout de sa collaboration avec Atlantic Records. Le succès se fait moindre, mais est-ce la seule faute au manque de promotion ? Sa vie personnelle prend aussi plus de place qu’auparavant avec la naissance de sa fille. Elle tente des concepts, revient à des registres plus rock ou folk. Et elle qui avait du mal avec le carcan du classique, signe finalement un album chez Deutsche Gramofon en réenregistrant des titres en symphoniques. Ce dernier album est d’ailleurs signé chez Mercury Classic. Mais de quoi peut elle bien parler cette fois?
Elle nous offre d’abord “America”, une douceur qui nous parle de cette autre Amérique que l’auteur chérit tant. “Trouble’s lament”, le premier single, est une bonne chanson folk toujours magnifiée par la voix de la chanteuse. Mais elle a aussi du talent sur des mélodies épurées au piano comme “Wild Way” au texte toujours finement ciselé, ou bien encore “Weatherman”. “Wedding day” est bien plus légère, presque celtique et s’avère surtout un des plus beaux titres de l’album. On retrouve aussi cet univers dans “Maids of Elfen-Mere” ou “Selkie”. Elle explore aussi une veine plus expérimentale et électronique pour “16 Shades of Blue”, comme si elle voulait faire une synthèse de ses styles passés. Sa voix aérienne et son talent mélodique font le reste, même si certains effets paraissent superflus, un peu moins sur l’onirique “Giant’s rolling Pin”. Elle dit aussi s’être inspirée de photos, peintures ou sculptures. Mais la maternité l’inspire également comme pour “Promise”, chantée avec sa fille dont les intonations ne sont pas encore aussi sûre que sa mère.
La chanson donnant son titre à l’album explore même son coté “Rock” avec toujours son habituelle maestria vocale. Un titre peut être trop complexe pour être un single mais non dénué d’intérêt par son thème sur la sexualité féminine. De toute façon, elle ne s’est jamais conformée aux canons de l’industrie du disque. L’album est tel une huitre, à masquer parfois de petits trésors comme ce “Oyster” si délicat. Les notes ne sont pas tout et on écoute chaque mot avec gravité surtout pour “Rose Dover” au refrain pourtant plus sautillant. Finalement, elle conclut avec classicisme sur “Invisible Boy”, un titre qui ne dépaysera pas ses nombreux fans.
Tori Amos a cette particularité d’allier sens mélodique, talent vocal et intérêt du texte. C’est rare et cela explique qu’à son degré d’exigence, elle pensait avoir perdu l’envie. Elle a finalement bien fait de prendre son temps pour nous offrir un de ses tous meilleurs albums.