Cinéma - Les plus belles années de notre vie de William Wyler (1946)
Encore un film dont je n’avais pas entendu parler dans mes nombreuses lectures sur le cinéma classique. Pourtant, William Wyler, une pluie d’oscar en 1947…
Il faut dire que le sujet semble très états-unien avec des soldats qui rentrent de la 2ème guerre mondiale et angoissent de retrouver la vie civile. Leur grade n’est pas forcément représentatif de leur classe sociale : Al (Fredric March) est sergent mais un directeur dans une banque; Fred (Dana Andrews) est capitaine mais un modeste employé dans un magasin; Homer est un soldat dans la marine, ancien étudiant d’une famille de la classe moyenne. Nous allons donc suivre ces trois destins croisés. L’importante longueur de ce métrage ne devait pas aider non plus (2h50) et pourtant ce fut un gros succès … sauf en France. Sûrement une raison que l’intelligentsia du cinéma hexagonal boude un peu cette production Sam Goldwyn. Mais comme je suis bon client de cette époque et de films à la tonalité dramatique mais qui cherchent du positif (voir La Vie est belle, par exemple), je me dis que j’ai dû vraiment rater quelque chose.
On voit que l’affiche ne met curieusement en avant que 2 des trois soldats, mais trois femmes…dont une est la fille (Teresa Wright) d’un des protagonistes. Exit donc un des couples, celui d’Homer Parish (Harrold Russel) et de son amoureuse d’avant-guerre, Wilma (Cathy O’Donnel), pourtant très intéressants dans l’histoire. En effet, Homer est amputé des deux mains, ce qu’était d’ailleurs aussi l’acteur qui joue son rôle. Les interprètes de ces trois rôles n’étaient aussi pas du même rang dans la hiérarchie du studio MGM, et c’est étrange par rapport au propos du film. Il faut se dire qu’à l’époque, en dehors des blessures physiques, on ne parlait pas des chocs psychologiques dûs à la guerre…Et pourtant, ce film traite déjà le sujet. Mais en dehors d’une romance avec le sempiternel triangle amoureux, il traite aussi d’un aspect social, là aussi peu éloigné de la Vie est belle de Capra, sorti cette même année : Comment aider à reconstruire un pays avec des gens qui n’ont plus rien ? Ou bien encore comment prendre en compte l’expérience acquise à l’armée quand d’autres sont restés au pays et on progressé dans la hiérarchie d’une entreprise. On voit qu’il n’y a pas trop de 2h50 pour parler de ça, durée qui passe finalement très bien.
Je n’ai pas regretté de voir ce film qui interroge une fois de plus le rêve américain, le libéralisme. Le casting est très réussi avec une lumineuse Mirna Loy (la femme de Al), un charismatique Dana Andrews, une énervante Virgina Mayo (la femme de Fred). Petit bémol pour le choix de Teresa Wright, trop agée par rapport à Mirna Loy mais pas trop jeune pour Dana Andrews. L’histoire fonctionne pour ce qui devient un drame social au fil du temps. Le public pouvait alors s’identifier dans chacun des personnages…enfin le public blanc évidemment pour cette époque des studios. Wyler parvient à tenir son histoire en faisant s’entre-croiser les personnages et en traitant des maux qui rongent chacun de ces hommes. Les rôles féminins sont forts, montrant aussi à quel point les femmes ont du faire face durant cette guerre. Mirna Loy est alors en fin de carrière (difficile de dépasser la quarantaine dans ces studios) et avait incarné la «femme américaine parfaite» dans les années 30. On voit que cette femme au foyer lutte pour maintenir en place son foyer miné par cette guerre.
Un grand film qui continue de toucher les USA qui ont eu quelques générations de soldats revenant blessés dans leur âme des derniers conflits. Le sujet reste tabou en France aujourd’hui et peu traité par notre cinéma. Raison sans doute pour expliquer la désaffection des critiques français envers ce film. S’il a son lot de bons sentiments, comme il se doit, il reste un grand film à voir et revoir.
Ce film fait partie du challenge IMDB Top250