Cinéma - 3 Idiots de Rajkumar Hirani (2009)
C’est parfois tout l’intérêt de tous les classements de nous donner l’opportunité de découvrir un film que nous ne serions pas allé voir. Entre le nom, l’affiche ou la distribution, il aurait été difficile de voir ce film de Bollywood.
C’est un des plus gros succès de tous les temps dans le sous-continent indien, qui représente 18% de la population mondiale, tout de même. Je parle de population car nous avons là un choc culturel pour un spectateur habitué aux films d’Hollywood ou simplement de France. En effet, il s’agit d’une comédie de moeurs, un étrange mélange qui rappellera à la fois le Cercle des poètes disparus, les Sous-doués, ou Forrest Gump. L’humour est des plus difficiles à aborder dans chaque pays du monde et l’humour indien est aussi différent du nôtre que l’humour allemand, l’humour japonais ou même l’humour mexicain. Alors forcément, juger ce critère devient compliqué. Je préfère m’en tenir au seul fait d’avoir ri pendant ces plus de deux heures, d’avoir souri, d’avoir pleuré…Dans mon échelle de jugement, ça vaut parfois bien plus que la technique ou le style.
Le réalisateur Rajkumar Hirani a déjà une certaine expérience lorsqu’il se lance dans ce film. Ce film ne vient que confirmer un début de carrière de réalisateur plutôt prometteur et l’installe définitivement comme une star du box-office. Il nous parle ici de trois étudiants ingénieurs, Raju (Sharman Joshi), Farhan (Madhavan) et «Rancho» (Aamir Khan) qui entrent dans l’école la plus renommée du pays, dirigée par le dictatorial Viru «Virus» Sahastrebuddhe (Boman Irani). Mais Rancho ne se plie pas aux méthodes de cette école et entraine ses deux copains de chambre avec lui pour refuser cet avenir tout tracé vers une carrière de compétition. Avec eux, il y a Chatur (Omi Vaidya), le parfait bon élève qui apprend tout par coeur sans vraiment comprendre. Et puis un jour, Rancho fait la connaissance de la belle Pia (Kareena Kapoor) qui n’est autre que … la fille du directeur. Le film commence 10 ans plus tard, alors que les amis se sont donnés rendez-vous pour prouver à Chatur qu’il avait tort de suivre cette compétition permanente toute la vie.
Derrière la comédie parfois potache, il y a donc une satire sociale de la société indienne qui veut aller vite, très vite, donc l’économie finit par broyer les individus et ranger les gens dans des cases, en plus des castes. Pour un film de Bollywood, il y a peu de chansons et peu de chorégraphies, même si elles sont réussies. On a évidemment une histoire d’amour dont on se doute de la fin. Mais on a surtout de bonnes blagues, des rebondissements et des moments de pure comédie slapstick à la sauce curry. Bémol tout de même sur le choix des trois acteurs, trop âgés pour le rôle d’étudiant, mais on a souvent le même problème dans les comédies US. J’avais peur de la durée du film mais finalement il passe très bien par un habile mélange des genres. Lorsque j’ai cité des références plus occidentales plus haut, c’est parce que notre héros Rancho a un côté professeur Keating, alors que les blagues renvoient à nos sous-doués nationaux tout en ayant une naïveté et une réussite à la Forrest Gump. C’est étrange mais avec moi ça marche très bien.
Maintenant, la question est de savoir si le film a sa place dans les meilleurs films de tous les temps, même dans le rayon Bollywood. Je lui en préfère d’autres je l’avoue mais c’est un bon film qui aborde des sujets que je ne maîtrise pas totalement, même en m’intéressant de loin à la vie politique et économique indienne. Nous sommes à la fin du premier mandat de Manmohan Singh qui libéralisa beaucoup l’économie indienne et continua à transformer le pays en une implacable machine à produire. Cela enrichit certes le paus mais au prix d’inégalités (le second dans le monde selon certains indicateurs). Sans montrer totalement cela, le film dénonce cette fuite en avant. Les trois personnages appartiennent à trois classes différentes, le directeur étant aussi dans une sorte de caste. Le fait d’avoir mis cela dans une comédie fait très bien passé le message et le public indien l’a alors bien compris. Donc, pour cela, j’ai une vision plutôt positive du film car cet aspect m’intéresse. Mais c’est vrai que d’autres spectateurs seront rebutés par cette singularité du cinéma bollywoodien. Là aussi le temps fera son oeuvre.
Ce film fait partie du challenge IMDB Top250