Série - Real Humans de Lars Lundström (2012)
Campagne d’affichage inhabituelle et massive de la part d’Arte. Dithyrambes et éloges côté critique… Real Humans, la nouvelle série suédoise de la chaîne franco-allemande a tout pour attirer. Une réelle réussite
Dans cette série d’anticipation (de science-fiction, diront certains), les humains ont créé des robots à leur image (les Hu-Bots pour Human Robots). La raison est bien connue : pour les assister et les soulager dans leurs tâches quotidiennes, voire même un peu plus… D’emblée, la problématique, elle aussi bien connue, irrigue l’ensemble : êtres vivants ou objets ? Machines que l’on peut pirater et améliorer et échanger ou êtres sensibles aimables comme son prochain ? Leo, le héros de l’histoire, (un humain qui semble en partie robotisé) a choisi son camp : il erre avec des robots rescapés dans un monde triste et décadent.
Real Humans est filmée avec une colorimétrie froide et saturée. S’y déploient les éléments habituels de l’univers du cyberpunk : un monde qui semble sans joie, une alliance du corps humain et de l’informatique, trafic, drogue et sexe. L’amateur de SF pur et dur y verra une incarnation de sa littérature préférée dans un monde proche de son quotidien. Les trois lois de la robotique d’Isaac Asimov ne sont pas oubliées (avec quelques libertés).
Mais la série ne s’arrête pas là. Elle traite de thèmes universels et polémiques. Dans les deux premiers épisodes, l’intolérance et le racisme y sont abordés à travers des personnages qui refusent de concéder la moindre place à ces robots qui dé-humaniseraient, dans leur travail comme auprès de leurs proches. Quant à la place de la technologie dans le quotidien : ne va-t-on pas trop loin dans les développements des ordinateurs, des robots, des aides embarquées, etc. ? Un atelier logistique où 90% du personnel est robotisé, une infirmière-robot ou une aide ménagère à l’avenant. Des personnages choisis avec intelligence et pertinemment interprétés. La relation entre Mimi/Anita, le robot asiatique, et la mère de famille working-girl est ainsi développée dans un rapport dominé-dominant et une condescendance à l’égard de ces êtres dont la tâche est perçu comme subalterne. L’aspect politique n’est pas laissé pour compte avec un parti qui affiche ses stickers « 100% human » qui renvoie aux messages « 100% suédois » ou même « Français de souche » que l’on peut voir les sur poteaux et murs dans nos villes. Le fait que la Suède soit productrice n’est pas un hasard. On pense à la tuerie commise par Breivik en Norvège et à d’autres actes racistes survenus ces dernières années dans le royaume.
La froideur et la mélancolie toute nordique, ont une grande place dans une série qui n’a rien de racoleuse ou de glamour. Les thèmes abordés aussi bien que le scénario qui égrène des indices pour faire progresser l’intrigue sont passionnants d’entrée. Techniquement très aboutie, avec des maquillages conduisant à différencier hubots et humains, des clins d’œil à nos technologies et nos « besoins », « Real Humans » ne sombre pas dans l’angélisme qui consisterait à faire des robots des martyrs ou des êtres parfaits. De fait, une part sombre habite certaines de ces créatures… La seconde saison promet de la mettre en lumière. Real Humans vient d’être officiellement prolongée. Une bien bonne nouvelle.