Cinéma - Elysium de Neill Blomkamp (2013)
Avec seulement deux films de science-fiction produits, le réalisateur sud-africain Neill Blomkamp vient de marquer les esprits. Malgré la grosse machinerie hollywoodienne, il parvient à donner une singularité salvatrice et aborder des thèmes plus profonds que des explosions tonitruantes. Elysium, l’apocalypse et la lutte des classes selon Blomkamp. Mais est-ce suffisant ?
Tout a commencé en 2009 avec District 9, une histoire d’extraterrestre sur fond de ghettos, xénophobie et de mainmise des multinationales et polices privées. Cette fois, c’est dans un futur encore plus lointain qu’il nous entraine. En 2154, la population humaine riche vit désormais dans une station spatiale baptisée Elysium. Les pauvres sont restés sur une Terre surpeuplée, même si certains d’entre eux tentent de s’enfuir. Un certain Max pourrait instaurer l’égalité entre ces deux mondes…
Au programme, Blomkamp nous sert un casting de plus haut niveau encore avec Matt Damon dans le rôle du héros et Jodie Foster pour la première fois (ou presque…) dans un rôle de « méchante », la ministre de l’Intérieur d’Elysium, dont les prérogatives rendraient jaloux ses homologues français passés et actuels. Si les premiers rôles ne permettent pas de donner libre cours à un bon jeu d’acteur, il n’en est pas de même des seconds rôles, notamment celui joué par Sharlto Copley, déjà vu dans District 9. À noter aussi une Alice Braga qui rappelle sa tante Sonia, légendaire actrice brésilienne et un William Fichtner glacial et captivant, mais trop rare sur grand écran.
Blomkamp reprend une vision apocalyptique de la Terre. Mais pas celle désertique avec quelques survivants façon Mad Max. C’est bien une Terre surpeuplée et sans ressource, laissée aux pauvres et aux sous-castes dans une totale anarchie. Le choix de Los Angeles n’est pas anodin puisque la ville est devenue un ghetto hispanique tandis que les riches sont… sur Elysium. Les Terriens ne rêvent que de migrer clandestinement dans cette base spatiale où règnent l’insouciance et l’opulence que permet l’exploitation de la Terre, devenue gigantesque usine tayloriste. Les multinationales y font la loi et les basses besognes sont laissées à des polices privées. Toute ressemblance avec des contrées sud-africaines, mais aussi américaines, n’est pas fortuite… et Blomkamp y glisse des clin d’oeils appuyés.
Il a du style, c’est incontestable. On retrouve son amour des cyborgs et des robots, sa satire sociale sous-jacente, qui frise le socialisme, chose inimaginable à Hollywood. Mais on sent que le réalisateur n’a pas encore les clés de la maison et doit se plier à des phases typiques des blockbusters US : bastons, explosions, hémoglobine et fusillades à faire péter les enceintes de son home cinéma… Du déja vu, Ennuyeux. Cela entrave l’opposition entre cette Terre cloaque et cet Elysium paradisiaque et prévient d’une fin attendue.
L’histoire fonctionne pourtant et l’émotion est là autant que la réflexion. Que deviennent notre terre et les barrières dans les flux migratoires ? C’est un thème qui ne cesse d’être dans l’actualité et dont nous ne voyons en réalité, qu’une infime partie. Mais dans le film, ce n’est qu’une réflexion en surface, pour une bonne part des spectateurs en tout cas friands d’effets spéciaux. L’équilibre est toujours difficile à trouver. La peinture sociale de Blomkamp a beau être là, le vernis hollywoodien en masque l’essentiel. Il est temps maintenant que Blomkamp puisse obtenir plus de liberté pour développer ses prochains films tant on sent que le bonhomme est doué. À l’image des Proyas ou Aronofski