Cinéma - La Colline aux coquelicots de Goro Miyazaki (2012)
Chaque sortie d’un nouveau film des studios Ghibli est un évènement, au moins autant qu’un nouveau Pixar. Et si ce nouveau film est signé Miyazaki Goro, ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle.
Goro est le fils du cofondateur des studios Ghibli, Miyazaki Hayao. Il a déjà réalisé un premier film, Les contes de Terremer, qui est considéré comme l’un des plus faibles du studio (mais qui reste très au-dessus de la moyenne). Si Goro ne se destinait pas forcément à la réalisation, ses réalisations permettent aux studios d’offrir des films différents des habituelles productions. Ainsi en va-t-il de ce film millésime 2011-2012. Inscrit dans le contexte du Japon des années 60, La Colline aux Coquelicots s’éloigne des habituelles thématiques de Ghibli, pourtant chères à Goro, lequel a étudié les sciences de la Forêt et… tout son univers.
Le spectateur suit une jeune fille, Umi, qui a perdu son marin de père dans la guerre de Corée et s’occupe seule avec sa grand mère d’une Maison d’hôte. Sa mère est partie travailler à l’étranger tandis que ses petits frère et soeur sont trop jeunes pour l’aider efficacement. Umi a pris pour habitude de hisser des drapeaux de communication maritime comme du temps où elle aidait son père à retrouver le chemin de la côte. Au lycée, l’ancien foyer des garçons, dit le Quartier Latin, est menacé de destruction. Umi va y faire la rencontre du délégué, Shun.
C’est un peu de l’histoire du Japon en phase de conquête industrielle que l’on retrouve dans La Colline aux Coquelicots, un Japon meurtri par la guerre, qui ne se montre d’ailleurs pas dans le film, ou presque… Et pourtant, cette réalité laisse des traces indélébiles chez ces personnages. Mais il faut aller de l’avant ! Le pays se sacrifie comme Umi, laquelle fait tout pour conjuguer ses études et ses devoirs de cuisinière à la maison d’hôte pour que sa maman soit fière d’elle.
Si les films de Ghibli font la part belle au rêve, aux croyances, aux divinités, ici il n’en est rien. Pourtant, malgré ce manque de référent symbolique et onirique, malgré les différences de civilisation, ce film touche le spectateur. Sans atteindre les sommets d’émotion d’un Tombeau des lucioles, il réserve de beaux moments de sentiments délicats avec des personnages très bien campés. L’ensemble est magnifié par un dessin précis, coloré, montrant avec moult détails le Japon de l’époque en train de préparer les Jeux olympiques. La musique – comme à l’habitude – a droit au meilleur traitement pour une bande-son entre jazz et classique, entrecoupée par des chansons plus légères ou sensibles.
La poésie de l’imaginaire d’Hayao se transforme chez Goro en une autre poésie, celle du réel. Elle se termine en apothéose avec la remarquable chanson finale, reprise également sur la bande-annonce.
Et comme souvent avec les studios Ghibli, ce film d’animation n’est pas réservé aux enfants (le cas échéant, plutôt aux adolescents) grâce à une grille de lecture multiple. Un bonheur à ne pas rater en ce début d’année.